Trump : « La torture, ça marche »

La torture ? Une pratique moyen-âgeuse, goûtée par des inquisiteurs sadiques ? Nos démocraties modernes ne dédaignent pourtant pas toujours le procédé. Et le nouveau président américain ne voit pas où est le problème.

La scène se passe dans l’East Room de la Maison Blanche, le 27 janvier dernier. « La torture, je pense que ça marche » profère Donald Trump en conférence de presse et cela, devant un parterre international, sur un ton badin, comme s’il discutait des mérites comparés de l’homéopathie et de la médecine chinoise. A ses côtés, Theresa May, le Premier ministre du Royaume-Uni, frémit intérieurement mais elle reste de marbre dans son tailleur rouge vermillon.

C’est la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale qu’un président des Etats-Unis ose aborder la question de front. Trump met les pieds dans le plat – c’est sa spécialité, n’en déplaise aux diplomates. Si George W. Bush avant lui avait justifié l’usage de la torture en autorisant notamment la technique des simulations de noyade – le waterboarding -, il avait soigneusement évité d’en parler en public. Trump se montre beaucoup moins timide. Pour lui, c’est un sujet comme un autre, on peut en débattre. Est-ce efficace ou pas ? Si oui, pourquoi s’en priver ? C’est un problème technique, ce n’est pas un problème moral. On le croit brutal, il est juste sincère. Et tout à fait enclin à changer d’avis si, comme l’affirme son secrétaire à la Défense, James Mattis, on peut obtenir de meilleurs résultats « avec un paquet de cigarettes et des bières » ! Ce qui compte, dans tous les domaines, c’est « a good deal ».

En décembre 2016, un sondage commandité par le CICR (Comité International de la Croix-Rouge) et conduit auprès de 17 000 personnes dans 16 pays, avait révélé une tolérance accrue en faveur de la torture d’Etat : 36 % des personnes interrogées pensent qu’ « il est acceptable de torturer un combattant ennemi fait prisonnier pour obtenir de lui des informations militaires de première importance ». Seuls 48 % des sondés condamnent cette pratique – ils étaient 66 % en 1999, selon le CICR. Trump, certains le disent, a au moins le mérite de rompre avec le « politiquement correct » et l’hypocrisie. Car on sait bien que, à un moment ou à un autre de leur histoire, toutes les grandes démocraties occidentales ont pratiqué la torture en invoquant la lutte nécessaire contre le terrorisme – la France pendant la guerre d’Algérie, l’Angleterre contre l’IRA.

C’était autrefois un sujet tabou. On a changé d’époque. Avec Trump, à l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, ce n’est plus le cas, la parole se libère. A Moscou, on s’en félicite. Selon Feodor Loukianov, président du Conseil sur les questions de défense et de politique étrangère, Trump s’est affranchi des prétentions messianiques qui rendaient si détestables ses prédécesseurs. « Trump ne veut changer personne, plaide-t- il. Il ne se préoccupe que de l’intérêt national américain. C’est exactement le type de relation que les Russes ont toujours voulu entretenir avec les Américains ».

Ce qui effraie, c’est que l’Amérique de Trump se prétend la première démocratie du monde et continue de se vouloir un modèle. Pire : qu’elle le demeure aux yeux de certains. Pour Poutine en Russie, Netanyahou en Israël, Marine Le Pen en France, Trump n’est pas un mauvais exemple, au contraire. C’est bien cela, le problème. On ne peut pas s’empêcher de regarder

Frédéric Ferney

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