Par le général Étienne Copel.
Donald Trump peut se vanter d’un vrai succès : sous sa présidence, le nombre de soldats américains morts en Afghanistan s’est effondré. Deux sergents des forces spéciales sont morts au combat en février 2020. Ce furent les derniers. Mais, comme le souligne Daniel Davis, un correspondant de Stars and Stripes le journal des vétérans américains, « Il n’y a rien à célébrer, car le but d’une guerre n’est pas seulement d’éviter la mort des soldats déployés ». N’y a-t-il vraiment rien à célébrer ? La plus longue guerre de l’histoire des Etats-Unis n’a-t-elle servi à rien ? L’intervention américaine en Afghanistan, après les attentats du 11 septembre 2001, avait pour but premier de neutraliser Ben Laden et ses soutiens en Afghanistan. Cet objectif a été, pour l’essentiel, atteint. Mais, ensuite, l’armée américaine a été maintenue pour épauler le gouvernement afghan, empêcher le retour au pouvoir des Talibans et anéantir les forces résiduelles des extrémistes d’Al Qaida et de l’Etat islamique. Hélas, aucun de ces buts de guerre n’a été satisfait.
L’aide militaire au gouvernement afghan s’est limitée à un appui aérien massif, qui s’est traduit par des pertes civiles considérables et un rejet accru de l’intervention américaine. Le gouvernement n’exerce son semblant d’autorité que sur une petite moitié du territoire. Quant aux Talibans, s’ils respectent assez bien les accords de Doha par lesquels ils se sont engagés, il y a près d’un an, à ne plus attaquer les forces américaines, ils ne diminuent pas leur pression militaire. Les attentats majeurs de cette fin novembre en sont tristement la preuve. La guerre sévit presque partout en Afghanistan, sauf dans la vallée du Panshir où règne la paix du fils du commandant Massoud.
Joe Biden pourra-t-il faire mieux que Trump ? On aimerait le croire. Militairement tout a été tenté, Il n’y a plus rien à espérer. Diplomatiquement le mieux serait d’obtenir la fin du soutien pakistanais aux Talibans. Tous les présidents américains l’ont essayé, aucun n’y est parvenu. Le président Biden peut-il réussir là où Obama a échoué ? C’est bien peu probable … sauf si un changement au sein du gouvernement à Islamabad faisait s’effondrer l’influence des services secrets (ISI), soutiens historiques des Talibans.
Reste l’Iran. Les Talibans, ayant massacré nombre d’Afghans chiites et abondamment ravitaillé les trafiquants de drogue iraniens, sont les plus proches ennemis des mollahs de ce pays. Ceux-ci devraient naturellement s’entendre avec Washington pour contrer l’influence des extrémistes sunnites qui sévissent à leur porte. Malheureusement, poussé par les faucons israéliens, Donald Trump, a dénoncé le traité nucléaire iranien signé par son prédécesseur, a multiplié les sanctions sans fondement, a perdu l’appui naturel des Iraniens en Afghanistan. Sur ce point il est certain que l’arrivée de Joe Biden va améliorer les choses. On peut imaginer que, contre la fin des sanctions, les Iraniens vont vraiment aider le gouvernement de Kaboul dans sa lutte contre les Talibans, qu’ils vont puiser dans les centaines de milliers de migrants afghans réfugiés chez eux pour former des combattants prêts à revenir combattre au pays… On peut rêver de voir les Talibans pris en tenaille entre les forces de Massoud et celles de Téhéran. On peut rêver ! En attendant, hélas, une chose est sûre : les négociations entre les émissaires de Trump et ceux des Talibans n’ont pas conduit à la paix en Afghanistan.
Depuis l’éviction du roi Zaher Shah, en 1973, le peuple afghan n’a connu que la guerre. Et la peur.
#afghanistan
Le numéro 90 (octobre-novembre-décembre 2020) de La Revue,
dans lequel vous pourrez lire entre autres un article de quatre pages (par Olivier Marbot) sur Kamala Harris, nouvelle vice-présidente des États-Unis.
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