La décision américaine de quitter l’UNESCO, si elle a fait grand bruit, n’a pourtant rien d’exceptionnel. Et pourrait fort bien être liée à la nomination d’Audrey Azoulay à la tête de l’institution.
L’Afrique du Sud avait ouvert la voie : en 1956, le gouvernement « blanc » avait quitté l’organisation coupable, à ses yeux, de s’être mêlée de problèmes raciaux internes au pays. Ensuite, pendant une génération, l’UNESCO a œuvré calmement pour rapprocher les peuples grâce au développement de l’éducation, de la science et de la culture, sans distinction de race, de sexe ou de religion, comme l’impose la Charte des Nations unies. En 1984, toutefois, le président Reagan décide, en pleine guerre froide, de se retirer de l’Organisation sous prétexte que celle-ci développe des thèmes de paix qui constituent « les thèmes par excellence de la propagande soviétique ».
Après la chute du rideau de fer, George W. Bush décide de revenir dans l’Organisation car il a besoin de se concilier le maximum de pays avant d’envahir l’Irak. Puis, en 2011, le président Obama – eh oui même lui !– annonce qu’il ne veut plus participer au financement de l’UNESCO protestant ainsi contre le fait que l’Organisation avait admis la Palestine dans ses rangs. 107 voix pour, 14 contre: ce sont les contre qui ont raison ! Fidélité à Israël oblige.
Et voici qu’en ce mois d’octobre 2017, Trump et Netanyahou décident de se retirer de l’UNESCO. La raison invoquée est si ridicule qu’on devrait en rire si le sujet n’était pas aussi lourd d’angoisse. Le 7 juillet, le comité du Patrimoine mondial de l’UNESCO a classé la vielle ville d’Hébron, en Palestine, comme site d’une « valeur universelle exceptionnelle ». En Palestine ! Voilà le crime. Où fallait-il situer Hébron ? Pas en Israël puisque cet Etat occupe le territoire mais ne l’a pas (pas encore ?) annexé. Pas en Cisjordanie puisque cet Etat n’existe pas. Alors ? A l’évidence Hébron est en Palestine occupée. Mais Trump et Netanyahou n’en ont cure. Ils ont raison contre le reste du monde.
Coïncidence : ils se retirent juste avant la nomination d’une Française, Audrey Azoulay, à la tête de l’UNESCO. Officiellement tous les deux sont ravis de cette nomination. Mais comment ne pas penser qu’ils auraient eu plus de mal à vilipender l’Organisation et à la quitter s’ils avaient attendu l’arrivée de Madame Azoulay, une juive, comme directrice générale de l’UNESCO ? Aujourd’hui, ils se réjouissent donc. Mais demain ? J’en prends le pari : demain ils vont déchanter.
Audrey Azoulay est une femme de conviction. Elle mettra peut-être plus de forme dans ses propos qu’Irina Bokova, la Bulgare à qui elle succède. Mais elle ne transigera pas sur l’essentiel. Avec elle, l’UNESCO continuera à défendre les opprimés contre les occupants. En Palestine comme ailleurs.
N’en déplaise à Messieurs Netanyahou et Trump.
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