Savoir-faire oblige, la gastronomie traditionnelle, même populaire, se paye de plus en plus cher. Au Coq de la Maison-Blanche, à deux pas des Puces de Saint-Ouen, on peut encore déguster une tête de veau ou un coq au vin sans se ruiner.
« Sept villes se sont disputées l’honneur d’avoir donné naissance à Homère. La France et l’Italie se disputent celui d’avoir trouvé la préparation de la tripe de bœuf. » Le goût pour les abats est une passion méditerranéenne, observée déjà par Alexandre Dumas.
La frontière avec le monde anglo-saxon n’est pas seulement culturelle et linguistique. L’ancienne médecine faisait de la rate (en anglais, spleen) le siège de la mélancolie et des humeurs noires. En France, « on se dilate la rate », note le sociologue belge Léo Moulin. Il oublie que lorsque, comme aujourd’hui, le veau d’or est vacillant, on peut aussi « se mettre la rate au court-bouillon. »
Plat de Sans-culotte
Et pourtant, c’est bien d’Angleterre qu’est venu l’exemple de manger une tête de veau pour célébrer la « mort du tyran. » Dans L’Education sentimentale, Gustave Flaubert raconte que chaque 30 janvier, jour anniversaire de la décapitation du roi Charles 1er, en 1649, les partisans de Cromwell « mangeaient des têtes de veau et buvaient du vin rouge (…) en portant des toasts à l’extermination des Stuarts ». Après Thermidor, en France, les Sans-culottes reprirent à leur compte cette tradition républicaine, le 21 janvier, jour où Louis XVI monta sur l’échafaud. « C’est une importation anglaise ! », ironise Flaubert. Aujourd’hui, cette coutume n’est guère plus vivace que celle du steak saignant dégusté le Vendredi saint par les mécréants. A Ussel (Corrèze) cependant, la Confrérie des Entêtés de la Tête de Veau, banquette encore ce jour-là, qui est également – ironie de l’Histoire ! – la date anniversaire de la mort de Lénine !
Près des Puces de Saint-Ouen, à proximité du stade de France, l’étape obligée est le Coq de la Maison Blanche, une brasserie à l’ancienne, dans un décor des années 1950, où figurent les incontournables, le persillé – aussi bon qu’en Bourgogne, fondant et moelleux – le vrai coq au vin à la campagnarde aux nouilles fraîches, et la raie aux câpres beurre noisette. Mais la grande affaire, c’est la tête de veau, pochée entière, ce qui assure un moelleux et un goût incomparables.
Alain François, le patron jovial et débonnaire de cette institution, conserve ce plat à l’année en souvenir de ses parents qui créèrent cette brasserie au lendemain de la guerre. Sauce ravigote ou sauce gribiche ? La première est un assaisonnement d’huile, vinaigre, sel et poivre accompagné d’un mélange de câpres, oignons, ciboulette, persil, cerfeuil et estragon hachés, auquel il est permis d’ajouter une pointe de moutarde. La sauce gribiche est une mixture de jaunes d’œufs durs réduits en pâte, montés à l’huile comme une mayonnaise, auxquels on ajoute, câpres, cornichons, persil, cerfeuil et estragon hachés, sel et poivre, ainsi que les blancs d’œufs durs détaillés en dés. On peut aussi bien se contenter d’une simple vinaigrette, et d’un bourgogne aligoté de la Maison Coche-Dury. Menu : 32 € – A la carte, compter 40 €
37, boulevard Jean Jaurès 93400 – Saint Ouen. Tél. : 01-40-11-01-23. Fermé le dimanche. Métro : Mairie de Saint-Ouen.
Par Jean-Claude Ribaut
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