Avec l’A 321 NEO LR, Airbus inaugure une nouvelle ère dans le transport long-courrier.
Plus de mécanicien, plus de navigateur. Deux pilotes un point c’est tout. Quand le premier Airbus A 320 a été baptisé par la princesse Diana et le prince Charles, le 14 février 1987, le nouvel appareil était très critiqué par les syndicats de pilotes. Son concepteur, Roger Béteille, était vraiment trop novateur. Non seulement l’équipage était réduit, mais les commandes mécaniques étaient supprimées : plus de manche à saisir à deux mains, plus de tringlerie, plus de câbles : juste un petit manche type joystick, des fils électriques et des ordinateurs.
Le tableau de bord lui-même ne ressemblait plus du tout à un tableau de bord : plus d’altimètre, plus d’horizon artificiel, plus de badin (anémomètre)… rien que des écrans pilotés eux aussi par des ordinateurs. Comment pouvait-on envisager de mettre la vie des passagers entre les mains de toute une série d’ordinateurs ? Les pilotes d’Air Inter se mirent en grève, mais la justice déclara leur grève illicite et la famille des A 320 se mit à faire des petits. Beaucoup de petits.
Les nouveautés de l’appareil permettaient de diminuer les coûts d’exploitation. Plus de tringlerie, cela fait des kilos en moins donc moins de consommation de kérosène par passager transporté. Un équipage réduit cela donne un coût d’exploitation réduit. Des motorisations à la demande cela permet à une compagnie américaine de dire : j’achète un avion européen mais ses moteurs sont américains. Un avion raccourci (A318, A319) cela permet d’élargir la soute et de mettre, par exemple, des conteneurs côte à côte. Un avion allongé (A321) cela permet d’avoir un peu plus de passagers. Et puis, quitte à payer un peu plus cher à l’achat, commander un A 320 NEO (New engine option) bénéficiant d’une motorisation moins gourmande, cela peut se révéler rentable pour l’exploitant… comme pour le fabricant !
Dernier avatar de la famille : l’A 321 NEO LR a effectué son premier vol fin janvier 2018. Une simple évolution de plus dans la famille ? Non. Il s’agit cette fois de l’ouverture d’un seul coup de toute une série de nouveaux marchés. LR (Long Range) : l’ajout de ces deux lettres donne, pour la première fois de l’ère des avions commerciaux à réaction, l’accès des monocouloirs aux vols transatlantiques. Avant, la règle était simple: si les moyen-courriers étaient tous monocouloirs, les long-courriers étaient tous équipés de deux couloirs. En effet, pour aller loin il fallait beaucoup de kérosène donc un gros avion et puisqu’il était gros autant le faire un peu plus gros et y mettre beaucoup de passagers. Et pour cela, tous les avions transatlantiques ont été conçus avec une petite dizaine de passagers de front et, bien sûr, deux couloirs pour desservir tous les sièges.
Succès commercial… et technologique
L’arrivée du réacteur LEAP développé par les sociétés française Safran et américaine General Electric permet à Airbus de changer complètement la donne. Déjà, ces deux constructeurs avaient donné aux premiers A 320 équipés de leur CFM 56 une fiabilité exceptionnelle. Avec le LEAP le succès devient spectaculaire : alors que son concurrent de Pratt et Whitney (qui équipe, au choix des compagnies, les A 320 NEO et A 321 NEO) multiplie les retards et les indisponibilités, lui le LEAP engrange les commandes. Deux ans après sa mise en service il a déjà inscrit plus de 14 000 exemplaires dans son carnet de commandes, pour quelque 200 milliards de dollars! Jamais un moteur n’a eu un tel succès au moment de son démarrage.
Ce succès n’est pas seulement commercial : le LEAP permet aussi à Airbus de proposer son A321 NEO LR à long rayon d’action. Bénéficiant de la faible consommation du LEAP il lui suffit d’ajouter un réservoir supplémentaire en soute pour faire passer la distance franchissable à 7 400 km au lieu des 5 400 précédents.
Avec un premier vol le 31 janvier 2018, le premier avion monocouloir transatlantique est né. Il permettra de créer de nombreuses lignes nouvelles sur des itinéraires où la demande ne permet pas de mettre en service de gros porteurs bicouloirs.
Le vol du 10 000e exemplaire de la famille A 320 approche. Bientôt ce sera le plus grand succès de l’aviation commerciale de tous les temps. Le Boeing 737 tient encore la tête mais sa conception trop ancienne fait qu’il s’essouffle malgré un renouveau en cours… grâce à la mise en service du moteur LEAP de Safran-GE.
Par le général Etienne Copel
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