Les projets de réforme de la Politique agricole commune annoncés par les autorités européennes provoquent beaucoup de protestations. Etienne Copel, lui, les trouve judicieux et, prenant l’exemple de sa région de Champagne, à l’est de la France, il explique pourquoi.
Quand j’étais enfant, en cours de géographie, j’apprenais qu’au Sud de Troyes s’étendait la Champagne humide, riche et fertile, où les vaches fournissaient un lait de qualité donnant, en particulier, l’excellent fromage de Chaource. En revanche, au Nord, mes maîtres me décrivaient la triste et misérable Champagne pouilleuse à la terre aride qui ne pouvait nourrir que quelques ovins et ne permettait que des plantations de pins noirs donnant du bois de chauffage de piètre qualité.
Et puis, peu après la Seconde Guerre mondiale, les ingénieurs agronomes ont découvert qu’en enrichissant un peu le sol avec de l’argile et des engrais azotés il était tout à fait possible de faire pousser du blé et des betteraves sur de la craie. Les terrains étant tout plats, la mécanisation était particulièrement rentable et les rendements ont rapidement explosé… comme les revenus des agriculteurs. La Champagne pouilleuse devenue Champagne crayeuse est un des lieux où le prix de l’hectare de champ est le plus élevé de France. Ce prix est tellement élevé que nul ne peut s’installer comme cultivateur s’il n’a reçu ses terres en héritage.
Il vaut mieux naître riche et en bonne santé que pauvre et malade. Chacun le sait. Il n’y a d’égalité qu’en droits et je ne cherche pas à remettre en cause le droit de propriété. En revanche, il ne me paraît pas sain d’enrichir les riches plus que les pauvres. Jusqu’à présent les subventions de la Politique agricole commune (PAC) se faisaient à la tonne de produits vendus ou à la superficie cultivée. Plus on était « grand », plus on était riche, plus on était subventionné. C’est ainsi, paraît-il, que la Reine d’Angleterre, grandissime propriétaire terrien, reçoit aujourd’hui le plus gros montant de subventions européennes de tout le Royaume-Uni !
Heureusement (pas pour la Reine), Brexit aidant, les finances de l’Union européenne font que Bruxelles doit faire des économies et la Commission semble avoir trouvé une voie. Désormais les subventions de la PAC vont être plafonnées aux alentours de 100 000 euros par an et par exploitation, avec une dégressivité à partir de 60 000 euros.
La FNSEA, principal syndicat agricole français qui me semble plus proche des nantis que des miséreux, va sûrement critiquer cette « modernisation » de la PAC, mais j’espère bien qu’elle va perdre et qu’un jour cette réforme sera reconnue par les historiens comme le début de la lutte mondiale contre les gigantesques abus des inégalités.
On peut toujours rêver !
Etienne Copel
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