Une histoire extraordinaire.

1945, l’Armée Rouge libère le camp de Therezin en Tchécoslovaquie. Elle découvre des cadavres par dizaines, morts de faim, de maladie. Il est urgent d’enterrer tous ces cadavres. On creuse une grande fosse à côté de laquelle on dispose les cadavres. Un bulldozer se prépare à pousser dans la fosse ces pauvres corps sans vie.

Mais soudain un soldat soviétique pousse un cri : arrêtez ! Quelque chose a bougé dans le tas, une main, une jambe. On retire ce corps à peine vivant. Un adolescent. On le soigne énergiquement, on le nourrit et la vie revient lentement dans ce corps décharné. Qui es-tu ? lui demande-t-on. Ton nom ? Il ne se souvient plus de rien, sauf de son prénom : Shlomo. Cette amnésie dura des années. Il ne répond qu’à ce prénom.

Shlomo est envoyé en Palestine, dans la région de Haïfa, où bientôt une guerre va éclater qui donnera naissance à l’Etat d’Israël. Il y rencontre une jeune fille, Ruth, dont il devient passionnément amoureux. Peu à peu la mémoire lui revient, celle de son nom : Sellinger.

Il aimerait tant offrir un cadeau à sa chère Ruth. Mais il n’a pas le sou. Il ramasse une grosse branche de bois dans la forêt du Carmel et, avec son couteau de poche, il creuse, il sculpte ce bout de bois et l’offre à Ruth.

La jeune fille a lu dans la presse qu’un concours de sculpture était organisé à Haïfa. Sans en parler à son amoureux, elle envoie au jury la sculpture que Shlomo lui a offert. Et voilà que le jury donne le prix, une jolie petite somme, à l’œuvre de Shlomo. Qu’allez-vous faire de cet argent, lui demande le jury ? Vous loger et vous marier ? Non, répond Shlomo, ce que je veux c’est apprendre vraiment la sculpture. Je veux aller à Paris et me former auprès du sculpteur Gimond.

Ainsi fut fait. Shlomo et Ruth, à présent mari et femme, viennent en France. Shlomo s’éprend d’une pierre, le granit rose de Perros Guirrec, un matériau des plus durs.

Shlomo sculpte, sculpte, sans jamais éprouver de fatigue. On lui doit le mémorial de Drancy. Certaines de ses œuvres se trouvent sur l’esplanade de la Défense. Il vient d’achever pour le Duché du Luxembourg une grande sculpture-mémorial de deux mètres en granit. Une de ses plus émouvantes œuvres se trouve à Jérusalem, à Yad Vashem, dans l’allée des Justes des Nations avec pour titre « Au juste inconnu ».

Shlomo Sellinger a aujourd’hui 90 ans et il est toujours vaillant. Ses amis avec sa femme Ruth et la descendance Sellinger lui ont fêté son anniversaire à Paris, dans son atelier encombré de sculptures. Au verre de l’amitié, s’ajouta un petit concert de Jazz. Au saxo, un virtuose, Rami, le fils, brillant chirurgien plastique de surcroît.

Rami a séjourné quelques mois en Tunisie pour enseigner la chirurgie plastique à des praticiens tunisiens. La virtuosité de ses étudiants l’a impressionné. Ils ont des doigts de fée, dit-il.

Longue vie à Shlomo et à Ruth, les miraculés.

Gérard Haddad.

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