Un scénario rocambolesque, des révélations insensées et des mensonges outranciers, la disparition du journaliste saoudien suscite bien des remous et ce n’est pas fini…
Aussi horribles soient-elles, les souffrances subies par Jamal Khashoggi dans les locaux du consulat Saoudien à Istanbul sont peu de choses par rapport à celles endurées par les Yéménites, les Palestiniens, les Rohingas, les Soudanais … . Le fait que la victime est un journaliste ne rend pas le crime extraordinaire : en 2017, 65 journalistes ont été tués de par le monde. Même l’assassinat de journalistes est devenu presque banal : il y a plus d’assassinats que de morts en couverture d’opérations de guerre. Cette même année 2017 39 journalistes ont été assassinés parce que leurs opinions dérangeaient. Et pourtant, 2017 est l’année la moins meurtrière pour les journalistes professionnels depuis 14 ans.
Ce qui rend le crime d’Istanbul hors du commun c’est l’incroyable cynisme des autorités saoudiennes, toutes soumises à la main de fer du Prince Mohamed ben Salmane. Elles ont organisé le meurtre sans prendre l’ombre d’une précaution pour faire, au moins, semblant de le camoufler. Puis, elles ont affirmé sereinement des mensonges aussi énormes que stupides, comme si elles se moquaient éperdument d’être rapidement contredites. Le sentiment d’impunité ressenti tant par les exécutants que par le commanditaire est fascinant. Pour les exécutants, tous intimes du Prince héritier, ils pensaient n’avoir rien à craindre puisqu’ils obéissaient au Maître qui concentre tous les pouvoirs. Certes, aujourd’hui, les assassins sont moins tranquilles. Certains ont été destitués, d’autres emprisonnés, un autre a été victime d’un accident de voiture ressemblant fort à un assassinat.
Quant à Mohamed ben Salmane (MBS) pourquoi n’a-t-il pas pris plus de précautions ? Pourquoi n’a-t-il pas pris modèle sur tous ceux qui assassinent discrètement et restent impunis ? Je ne vois qu’une explication : il voulait montrer, une fois de plus, que devant lui tout le monde doit s’incliner, même au sein de la famille royale. Pour lui, il faut que tout le monde ressente la peur. Un de ses oncles est depuis des décennies un proche de Khashoggi, il faut qu’il sache que, désormais, s’opposer au Prince c’est risquer sa vie, voire l’horreur.
MBS est-il vraiment invulnérable ? Est-il aujourd’hui aussi serein qu’il y a une semaine ? On peut en douter. En tout cas on peut espérer que ce n’est pas le cas. Le roi Salmane l’a déjà désavoué une fois à propos de la Palestine, il peut recommencer. Après tout, un héritier peut être déshérité !
A côté du cynisme de MBS, celui de Donald Trump est gentillet. Il est pourtant lui aussi exceptionnel ! Quand le président des Etats-Unis déclare à peu près : « Je ne crois guère à la thèse de la rixe qui a mal tourné, mais j’affirme qu’elle est plausible, car je veux rester en bons termes avec l’Arabie Saoudite. Nous avons tant de commandes chez eux ! Tant d’emplois américains dépendent de ces commandes ! »
En général, je n’ai pas tendance à dire beaucoup de bien du président Trump, mais lorsqu’il dit tout haut ce que tant d’autres pensent tout bas, je lui reconnais une forme de franchise extraordinaire.
Pour ne pas dire admirable.
Etienne Copel.
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