Trump nourrit une véritable détestation à l’égard de l’accord conclu avec l’Iran en vue de limiter ses capacités nucléaires en échange d’une levée des sanctions internationales. A chaque fois que le département d’Etat s’exprime sur le respect par Téhéran de ses obligations, ce qui du fait des modalités négociées dans le cadre de l’accord arrive tous les 90 jours, le président frôle la crise cardiaque.
Durant l’été 2017, assurent les médias américains, M. Trump a ordonné à ses conseillers de lui proposer un argumentaire visant à démontrer que l’Iran ne respectait pas ses engagements. Pour beaucoup d’observateurs, cette attitude rappelle l’obsession que nourrissait George W. Bush à l’égard de Saddam Hussein, et ce qui en a résulté : l’instrumentalisation à des fins politiques du travail de services de renseignement américains, la volonté de démontrer à tout prix que l’Irak possédait des armes de des truction massive afin de justifier son invasion. On connaît aujourd’hui les conséquences de cette regrettable aventure, aussi bien pour les Irakiens que pour les Américains.
Au mois d’août, M. Trump a envoyé son ambassadrice aux Nations unies, Nikki Haley, rencontrer les responsables de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), à Vienne. On peut raisonnablement supposer que la mission de Mme Haley était de mettre la pression sur l’Agence et de l’inciter à trouver des preuves de la duplicité des Iraniens. Mais elle assure que telle n’était pas son intention et qu’elle ne s’est rendue à Vienne que pour recueillir un maximum d’informations car, a-t-elle répété, elle ne s’intéresse qu’aux « faits ». Elle a aussi donné un indice quant à la position réelle de la Maison-Blanche sur le dossier en déclarant que l’accord sur le nucléaire iranien ne devait pas, pour reprendre la fameuse expression utilisée au moment de la crise financière de 2008, devenir « too big to fail », c’est-à-dire trop gros pour qu’on puisse le laisser péricliter.
Et de fait, il est exact que l’accord signé avec l’Iran peut être qualifié de « too big to fail ». Surtout du point de vue de M. Trump. Certes, cet accord est loin d’être parfait et on ne peut pas prétendre sérieusement qu’il ait contribué à modifier profondément le comportement, toujours problématique, des dirigeants iraniens, que ce soit à l’égard de leur propre peuple ou vis-à-vis des pays qui l’entourent. Mais dans la mesure où l’Iran demeure une source possible de conflits et de déstabilisation, on ne voit pas bien en quoi démanteler un accord international qui l’empêche d’acquérir des armes plus dangereuses que celles qu’elle possède déjà pourrait améliorer les choses. L’idée semble même assez absurde.
Alors que la crise avec la Corée du Nord – qui contrairement à l’Iran possède déjà un arsenal nucléaire – continue à s’envenimer, il semble plutôt rassurant d’avoir la garantie que Téhéran ne développera pas d’arme atomique durant les dix années qui viennent. Et même si les régimes iranien et nord-coréen diffèrent sur bien des points, on se dit que le difficile processus diplomatique qui a permis de signer un compromis avec Téhéran devrait servir de modèle aux négociateurs pour tenter de résoudre pacifiquement le conflit avec Pyongyang.
Le problème, c’est que les détails n’intéressent pas M. Trump, qui préfère ignorer délibérément certains faits relatifs à la façon dont l’accord avec l’Iran a été négocié et à ce qu’il contient. Par exemple, il faut se souvenir que c’est Washington, et non Téhéran, qui a choisi de limiter le champ des négociations au programme nucléaire. Certains dirigeants de la République islamique auraient voulu discuter d’un accord plus large, proposant aux Américains de geler complètement l’enrichissement d’uranium en échange d’une coopération commerciale. L’administration Obama, craignant un piège, a repoussé cette proposition.
Naturellement, il aurait été préférable d’imposer à l’Iran un abandon total et sans condition de son programme nucléaire, mais cela n’a tout simplement pas été faisable. Face aux négociateurs iraniens, les représentants des six plus grandes puissances mondiales ont discuté durant des mois. S’ils avaient pu obtenir un accord plus avantageux, ils l’auraient fait. Et M. Trump, qui se flatte d’être un négociateur hors pair, pourrait bien trouver son maître en la matière si d’aventure il se retrouvait un jour face à ces redoutables adversaires que sont les Iraniens.
Aujourd’hui, l’administration américaine semble convaincue que si elle parvenait à saborder l’accord sur le nucléaire, l’Iran n’aurait plus d’autre choix que de rendre les armes face à ses voisins sunnites. En réalité, c’est sans doute le contraire qui arriverait. M. Trump ne le comprend pas parce que son obsession pour l’Iran l’aveugle. Il ferait mieux d’étudier la façon dont l’administration précédente a réussi à négocier un accord et d’essayer d’appliquer les mêmes recettes avec la Corée du Nord.
Olivier Marbot
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