Arctique : la troisième route de la soie

Aujourd’hui, les Russes font payer leurs escortes de brise-glaces aux utilisateurs étrangers. Et, pour les Chinois et les Japonais, envoyer leurs marchandises en Europe en passant par l’océan Arctique coûte plus cher que de faire le tour par Suez. Mais cela ne va pas durer ! A cause du changement climatique et… des Chinois.

Le changement climatique : tout le monde le connait maintenant. Le réchauffement de la planète n’est plus contesté… ou presque. Ce réchauffement s’exerce particulièrement aux alentours du Pôle Nord. L’océan glacial Arctique, naguère totalement pris par les glaces, voit sa banquise se réduire chaque été et même en hiver il y a maintenant des trous !

Pour relier au plus court l’Extrême-Orient et l’Europe, on peut donc commencer à rêver d’utiliser à des fins commerciales les deux fameux passages : le passage du Nord-Est qui longe la Sibérie et le passage du Nord-Ouest proche des îles du Nord Canada.

Quand on pense à la Sibérie et à ses records de froid on peut supposer que c’est le long des côtes Nord de la Russie que l’on trouve les plus belles épaisseurs de banquise. En fait, les courants marins étant ce qu’ils sont, c’est de l’autre côté, au milieu des multiples îles de l’archipel nord-canadien, que s’accumulent le plus de glaces et c’est là qu’il est le plus difficile de passer.

C’est donc à Monsieur Poutine et à son administration qu’il faut demander aujourd’hui l’autorisation d’emprunter le passage du Nord-est. Ce qui ne pose guère de problème tant la demande est faible en raison du surcoût.


Des chameaux aux brise-glaces

Mais la situation évolue vite. Très vite. Certains scientifiques prévoient que, dès 2035, il n’y aura plus du tout de glaces dans l’océan Arctique en été. En tout cas, très bientôt, il n’y aura plus besoin de brise-glaces puissants pour emprunter la route du pôle. C’est ce que prévoient les Chinois qui n’hésitent plus à parler à son propos de « troisième Route de la soie ».

Six mois de fonte des glaces, depuis l’espace (Le Monde)

Historiquement, la route de la soie reliait la Chine à l’Anatolie au pas des chameaux et des mulets à travers déserts arides et hautes montagnes. De nos jours, le commerce de la Chine avec l’Europe croissant sans cesse et étant vital pour l’économie de l’Empire du Milieu, les Chinois recherchent des solutions innovantes.

La première nouvelle route qu’ils construisent est terrestre grâce à des infrastructures ferroviaires spectaculaires. La deuxième est maritime avec la création ou le développement de nouveaux ports en eaux profondes. La route du pôle vient heureusement compléter ces deux premières routes et sera sans doute bientôt la moins coûteuse, donc la plus fréquentée. Pour aller de Pékin au Havre le passage du Nord-Est réduit la distance à parcourir de près d’un tiers.

Pour tracer la voie et éviter de payer les brise-glaces russes au prix fort, la Chine a décidé de se doter de sa propre flotte de navires spécialisés. Et puis, dans quelques lustres, il n’y aura plus du tout besoin de navires particuliers. Alors, il ne restera plus qu’une question : faudra-t-il payer aux Russes et aux Canadiens un droit de passage dans leurs espaces maritimes ?

C’est, bien sûr, ce qu’ils souhaitent en revendiquant un statut « archipélagique » et c’est ce que contestent les autres, en particulier Français, Américains et Chinois, qui eux réclament un libre droit de passage, conforme à la convention de Montego Bay. De multiples discussions aux résultats incertains sont à prévoir.

Mais soyons-en sûrs : la route du pôle sera bientôt la troisième route de la soie.

Général Etienne Copel

 

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