« Au nom de Dieu, épargnez ces jeunes vies. Prenez la mienne ! »
La photo a fait le tour du monde ! On y voit la courageuse sœur Ann Nu Thawng, religieuse de l’ordre de Saint-François-Xavier, une congrégation du diocèse de Myitkyina, au nord de la Birmanie—implorer, à genoux, l’armée de ne pas tirer sur les manifestants. Son geste a évité un bain de sang. Soeur Ann Nu Thawng confie au Figaro : « Bien sûr que j’étais effrayée ! (…) J’étais là par hasard. J’ai vu à ce moment une foule de jeunes gens courir précipitamment dans la rue pour échapper aux policiers et aux soldats qui leur tiraient dessus. J’étais terrifiée. Mais je ne suis pas seulement religieuse : je suis aussi une citoyenne. J’ai compris à ce moment que mon devoir était d’empêcher ces soldats de s’en prendre injustement aux manifestants pacifiques. J’ai donc décidé de sortir dans la rue et de leur faire face, pour qu’ils cessent d’avancer et de tirer sur la foule. Et je leur ai parlé, je les ai implorés de cesser de recourir à la violence. Alors aux soldats armés, protégés par leurs casques et leurs boucliers, j’ai simplement dit ceci : « vous pouvez me tuer, mais ne touchez pas à ces jeunes, ne tirez plus, ne tuez pas d’autres innocents ».
Et d’ajouter toujours dans le même article du Figaro : « Je suis assez vieille, moi, pour connaître la réalité de la dictature et de l’absence de choix, de libertés. Je pense aux jeunes de mon pays : ils ont raison de résister, je ne veux pas qu’ils connaissent les atrocités que nous avons vécues autrefois. (…) Comme religieuse, je prie avec mes sœurs pour le retour de la paix et de la liberté dans notre pays. Mais, comme citoyenne, je sais que la prière ne suffit pas et qu’il faut aussi agir ; alors, si cette photo peut nous aider à retrouver nos droits, et si elle peut sensibiliser l’opinion des autres pays et nous obtenir une aide, je crois que c’est une bonne chose.»
La retraite attendra…
La situation est toujours autant tendue en Birmanie depuis le faux départ à la retraite du général Min Aung Hlaing qui s’est emparé le 1er février, par la force du pouvoir. A la date du 28 février, l’on comptait au moins 18 victimes, ce qui a été confirmé par les Nations unies.Le coup d’État mené par l’armée avait permis d’arrêter la cheffe du gouvernement civil Aung San Suu Kyi. « L’autorité en matière de législation, de gouvernance et de juridiction est transférée au commandant en chef », a décrété le communiqué des putschistes, qui impose un « état d’urgence » d’un an.
Le général, Min Aung Hlaing, 64 ans qui devait partir à la retraite en juillet prochain est devenu « le nouvel homme fort ». Il rêvait de prendre une revanche sur la dame de Rangoon. Militaire redouté, bien introduit, il a été nommé commandant en chef en 2011, et n’a jamais caché son intention de maintenir les prérogatives de l’Armée dans les rouages politiques. L’ancien officier d’infanterie est désormais à la tête de ce pays de 54 millions d’habitants, piétinant le « printemps birman » à l’œuvre depuis 2011.
Le nom du général, Min Aung Hlaing, est associé à des affaires de corruption et à la répression sanglante contre les Rohingyas. Le « senior general » (son titre officiel) est devenu en 2009 « l’étoile montante de l’armée » après avoir réprimé une guérilla dans la région de Kokang, à la frontière est du pays, provoquant l’exode de 37 000 personnes. Les Etats-Unis refusent désormais de l’accueillir et le Trésor américain a également gelé ses éventuels avoirs et interdit aux ressortissants américains de conclure des transactions avec lui. Il est banni à vie de Twitter et Facebook.
Il s’agit du troisième putsch depuis l’indépendance en 1948. L’armée avait dénoncé des irrégularités lors des élections législatives de novembre 2020 remportées par la Ligue nationale pour la démocratie d’Aung San Suu Kyi avec plus de 80% des suffrages. – Le Parlement devait entamer sa première session cette semaine- L’armée bénéficie automatiquement de 25% des sièges, mais le parti qui lui est allié a subi un sévère revers. Et avant même ce coup d’État, Min Aung Hlaing détenait les clés de trois ministères : la Défense, les Affaires frontalières et les Affaires internes. Il concentre désormais l’intégralité des pouvoirs entre ses mains.
Engagé dans l’armée depuis l’âge de 18 ans – il a fait deux ans de droit- Min Aung Hlaing a gravi les échelons lentement, mais sûrement. « Ce n’était pas quelqu’un qui ressortait du lot dans l’armée birmane. » Sa chance fût se retrouver dans la division 88 de l’infanterie légère, qui était commandée à l’époque par un certain colonel Than Shwe. Min Aung Hlaing en fait son mentor et a continué sa carrière dans l’ombre de celui qui, à partir 1992, est devenu le chef de la Junte militaire. Ce dernier a fait de Min Aung Hlaing son successeur et le premier chef d’une armée de l’ère post-junte militaire.
L’acte de courage de soeur Ann Nu Thawng a contribué à sensibiliser le monde entier à la situation extrêmement tendue qui règne depuis plusieurs semaines en Birmanie.
N.P
#Ann Nu Thawng, #birmanie, #MinAungHlaing
– Pour vous inscrire à la newsletter : contact@larevue.info.La lire : https://mailchi.mp/9c5e156d3c10/newsletter-3755492?e=[UNIQID]–
Soyez le premier à commenter