En obtenant finalement un accord sur le Brexit avec l’Union européenne, la Premier ministre britannique pensait avoir fait le plus difficile. Les débats actuels au Parlement prouvent qu’elle se trompait.
Difficile de ne pas faire le parallèle. Longtemps, les Anglais et les Français furent des ennemis héréditaires, les ennuis des uns faisant le bonheur des autres et inversement. Aujourd’hui, on a peine à déterminer lequel des deux pays est enfoncé le plus profondément dans le chaos. En France, le mouvement des gilets jaunes s’avère impossible à comprendre, sans même parler de lui apporter des réponses, par un gouvernement totalement débordé. Et la question n’est plus vraiment de savoir si Edouard Philippe va devoir quitter l’Hôtel Matignon, mais plutôt quand cela arrivera, et qui Emmanuel Macron pourra bien choisir pour lui succéder.
Par contraste, la situation au Royaume-Uni semble bien plus calme. Pas d’affrontements entre manifestants et policiers, pas de lycées bloqués ni de violences. Theresa May, pourtant, n’est pas en meilleure posture que son homologue français. C’est mardi prochain, le 11 décembre, que la Chambre des Communes doit voter sur l’accord qu’elle a négocié, et tout porte à croire que la Premier ministre s’achemine vers une défaite. Elle dispose en théorie d’une majorité de 13 voix, en additionnant les élus du parti conservateur et ceux du DUP nord-irlandais. Mais ces derniers ont annoncé qu’ils rejetteraient le texte, et près d’une centaine de conservateurs semblent décider à voter contre. L’entourage du Premier ministre se démène pour convaincre les indécis, tente de jouer sur la peur : les parlementaires veulent-ils vraiment d’une sortie de l’Union sans accord ? D’un deuxième référendum ? Tactique peu efficace : dans le meilleur des cas, et même si quelques travaillistes ou libéraux-démocrates se décidaient à soutenir l’accord – ce qui n’a rien de certain – on estime qu’il manquera à Mme May entre 30 et 50 voix.
Et ensuite, quoi ? Au Parlement même, l’opposition pourrait déposer une motion de défiance. Si elle triomphait, on s’acheminerait vers des élections anticipées et, probablement, un retour du pouvoir des Travaillistes de Jeremy Corbyn. Parallèlement, il n’est pas exclu que les Conservateurs eux-mêmes décident de se débarrasser de Theresa May. Qui lui succéderait alors ? Difficile à dire.
Par ailleurs, si le texte de l’accord était refusé, les autorités britanniques pourraient essayer d’obtenir des Européens quelques aménagements. Mais on voit mal pourquoi les membres de l’Union, lassés par les interminables négociations, accepteraient de faire ce cadeau à Londres.
Resterait alors l’hypothèse d’un « hard Brexit », une sortie sans accord à la fin mars 2019, ou encore celle d’un nouveau référendum. Certains le souhaitent et, dans les deux camps, on commence à affûter ses arguments de campagne, au cas où…
Enfin, si l’on en croit des juristes européens qui ont planché sur le sujet, le Parlement britannique pourrait tout simplement décider de rester dans l’Union européenne. Théoriquement envisageable, dans la mesure où la majorité des parlementaires étaient opposés au Brexit. Politiquement, par contre, aller ainsi à l’encontre de l’opinion exprimée par les électeurs en juin 2016 pourrait avoir des conséquences cataclysmiques. Et provoquer des manifestations de colère qui, cette fois, n’auraient sans doute rien à envier à celles de gilets jaunes français.
Joyeux Noël, Mme May.
Olivier Marbot.
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