Dialogue de sourds.

L’enlisement du conflit du Sahara Occidental, continue d’impacter la construction maghrébine dont le coût devient de plus en plus élevé. Plus de deux points de croissance selon les estimations.

Entre le Maroc et l’Algérie le dialogue de sourds continue. A l’appel lancé par le souverain marocain Mohamed VI, le 6 novembre dernier à son voisin algérien pour instaurer un « dialogue direct et franc » pour « dépasser leurs différends », le président Abdelaziz Bouteflika lui a répondu, le 18, par un message de…félicitations à l’occasion du 63e anniversaire de l’indépendance de son pays. Un message avec des « formules de politesse » qui sied à sa majesté. Rien de plus.

Tout semble séparer ces deux pays voisins qui ont pratiquement tout en commun : l’histoire, la géographie, la langue et la culture…Les frontières sont fermées depuis 1994 suite à une décision unilatérale de la part des autorités algériennes suite à l’instauration par leur voisin de l’ouest du visa pour leurs ressortissants.

Au commencement il y a eu la guerre des sables qui a éclaté entre les deux pays, à peine trois mois après l’indépendance de l’Algérie.  Ce conflit militaire déclaré en octobre 1963 autour du tracé de frontières, a duré un mois et n’a cessé qu’à la suite de l’intervention de l’Organisation de l’Unité africaine qui n’avait obtenu un cessez le feu définitif qu’en février 1964. Un conflit resté en travers de la gorge pour les Algériens qui n’ont jamais pardonné à leurs « frères » marocains cet affront.

Une douzaine d’années après, éclate l’affaire du Sahara Occidental, après le retrait de l’Espagne de ce territoire qui s’étend sur 266.000 kms2, revendiqué par le Maroc et passé sous son autorité en 1975. Un an après, un Front de libération fut créé, le Front Polisario, avec le soutien d’Alger. Il avait proclamé l’indépendance la République arabe sarahouie démocratique (RASD) et réclamait un référendum d’auto-détermination. Depuis la RASD a été admise au sein de l’organisation de l’unité africaine, devenue Unité Africaine(UA). Mais les Nations Unies qui se sont saisies du dossier, ne reconnaissent ni la RASD ni la souveraineté marocaine sur ce territoire. 

En février 1989, fut créée à Marrakech, l’Union du Maghreb Arabe (UMA) en présence des chefs d’état des cinq pays, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Mauritanie, mais ce ne fut qu’un feu de paille. Moins de cinq ans après, l’Union tant rêvée et célébrée s’est trouvée bloquée, en raison, notamment, de cet épineux dossier du Sahara.

Volonté réelle ou simples paroles

Depuis, on scrute d’un côté comme de l’autre, le moindre geste, on analyse la moindre déclaration pour rallumer l’espoir. La poignée de mains échangée entre le Roi marocain et le premier ministre algérien sous l’Arc de Triomphe à Paris, le 11 novembre, n’a pas échappé aux photographes qui l’ont immortalisée. Alors que la dernière rencontre entre Mohamed VI et Abdelaziz Bouteflika remonte au mois de mars 2005, à Alger. On avait alors cru au dégel des relations, surtout que le chef de l’état algérien avait anticipé en déclarant que « le dossier du Sahara occidental ne devait pas constituer un frein à la construction maghrébine ». Mais, cette rencontre fut sans suite. A l’influence diplomatique algérienne sur le continent africain, le Maroc a répliqué par une influence économique et a réussi à réintégrer l’Organisation grâce au soutien déclarée d’une trentaine de pays en janvier 2017 après l’avoir quittée en 1985 pour protester contre l’admission de la RASD soutenue par l’Algérie.

Les relations entre les deux pays, souvent tendues, sont complexes et toutes les médiations pour les réchauffer ont échoué. L’enlisement du conflit du Sahara Occidental, continue d’impacter la construction maghrébine dont le coût devient de plus en plus élevé. Plus de deux points de croissance selon les estimations. La Banque mondiale a estimé que l’économie des pays de la région aurait pu devenir deux fois plus importante, au cours des dernières années. Sans parler des risques et dangers auxquels la région se trouve exposée dont notamment le terrorisme et la migration clandestine.

Ces relations « échappent à la normalité et de ce fait créent une situation inacceptable », selon le souverain marocain. Affirmation à laquelle le chef de l’état algérien a répondu dans son message du 18 novembre en réitérant sa « détermination à œuvrer de concert avec vous pour consolider les relations de fraternité et de solidarité qui unissent nos deux pays et ancrer les relations bilatérales basées sur le respect mutuel, au mieux des aspirations de nos deux peuples au progrès, au développement et à la prospérité ». Volonté réelle ou simples paroles de part et d’autre, ou se situe la vérité ? 

Brahim Oueslati.

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