Les Mémoires d’Olivier Bétourné nous plongent dans des guerres sans merci. Et nous interpellent sur l’avenir du livre.
Six pages, par Renaud de Rochebrune, dans le n°91 (janvier-février 2021) de La Revue.
Des livres de témoignage écrits par des éditeurs, en particulier en France, il en existe déjà un certain nombre, de Robert Laffont à Maurice Nadeau et de Françoise Verny à Jean-Jacques Pauvert ou Pierre Belfond. Mais aucun ne nous semble avoir décrit avec autant de précision la vie et les mœurs du monde de l’édition que La vie comme un livre, ces « Mémoires d’un éditeur engagé », comme se présente non sans autosatisfaction l’auteur lui-même, Olivier Bétourné.
Le plus frappant, à la lecture de cet ouvrage, où abondent les qualificatifs en général destinés aux récits de conflits militaires, c’est de constater à quel point l’univers de l’édition ressemble à un terrain de guerre et même de guerre sans merci. En France comme ailleurs, mais encore plus qu’ailleurs sans doute. Du fait de l’importance accordée dans la patrie de Sartre, Lévi-Strauss ou Le Clézio aux romanciers comme à ceux qui diffusent par écrit leur pensée dans des ouvrages savants ou des essais.
Rien d’exagéré dans cette vision guerrière de l’édition. Le narrateur, un historien de formation qui a conservé toutes ses archives, a disposé en effet d’un poste d’observation privilégié. Engagé à la fin des années 1970, à l’issue de son parcours d’étudiant attiré par l’extrême gauche maoïste, en tant que lecteur et bientôt responsable de premier plan aux Éditions du Seuil, il est obligé de quitter ce poste prestigieux au sein de ce qui est alors le lieu phare dans l’édition des livres nourrissant le débat d’idées en France en raison d’une mésentente – le mot est faible – avec le nouveau patron de l’entreprise en 1993. Il abandonne alors la maison de la rue Jacob pour retrouver, rue des Saints-Pères, en traversant le boulevard Saint-Germain, un autre transfuge du Seuil, le « fauve » (dixit Bétourné) Claude Durand, dont il sera le successeur désigné chez Fayard, filiale au succès grandissant du groupe Hachette. Jusqu’à ce qu’il soit limogé en 2006. Il devient ensuite un membre éminent de la direction chez Albin Michel, où il peut observer et à l’occasion expérimenter une conception particulièrement « commerciale » du métier chez ce fabricant de best-sellers. Avant un retour triomphal au Seuil, où, à l’occasion d’un changement de propriétaire, on lui demande en 2010 de venir redresser une maison désormais très mal en point. Une mission qui l’amène à rétablir vigoureusement une autorité « présidentielle » dans ce lieu plus habitué à cultiver, en matière de décision éditoriale, une sorte de régime « parlementaire ». Avant d’être finalement écarté à nouveau sans ménagement, avant l’heure choisie de la retraite. (…)
Retrouvez l’intégralité de cet article dans le n°91 (janvier-février 2021) de La Revue.
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