Le 19 octobre 1917, en fin d’après-midi, le colonel Gustave Ferrié apprend que de nombreux signaux de TSF (Téléphonie Sans Fil) sont émis depuis le territoire belge et se rapprochent de la frontière française.
Ayant mis en place, depuis 1916, autour de la Tour Eiffel, le premier réseau mondial de radiogoniométrie du monde, il a vite fait d’analyser les signaux et de prévoir l’arrivée imminente d’un groupe d’une dizaine de dirigeables. Compte tenu de leur cap, il est clair qu’ils se dirigent vers la France pour la bombarder et porter un grand coup. Dix Zeppelin en une seule vague ! Les dégâts vont être spectaculaires. Ce sera bon pour le moral de la population allemande.
Piratage des ordres
Alors, au lieu de se contenter d’utiliser les renseignements obtenus par ses stations pour faire sonner les sirènes et tenter de protéger les civils menacés, il envisage dans un premier temps de brouiller les appareils radio des Zeppelin menaçant sans doute Paris. Le résultat est satisfaisant : les dirigeables ne reçoivent pas de relèvements gonios cohérents et hésitent sur le cap à prendre.
Le pire est sans doute évité mais le colonel Ferrié veut faire mieux, il veut la destruction de ces bombardiers. Alors il utilise son plus gros émetteur calé sur la fréquence allemande pour envoyer des signaux falsifiés aux pilotes de Zeppelin. Son émetteur n’est pas plus puissant que celui des Allemands mais au bout de quelques heures de vol les dirigeables allemands sont beaucoup plus proches de lui. Donc ils le reçoivent mieux. Alors, les Zeppelin obéissent aux ordres de Ferrié et se dirigent tout droit vers les escadrilles et les batteries de canons qui les attendent. La plupart sont abattus, d’autres sont contraints de se poser dans des champs. Le dernier ne comprenant rien aux ordres contradictoires qu’il reçoit descend toute la vallée du Rhône et disparait en direction de la Corse.
L’Etat-major allemand ne reprit plus l’idée du raid massif de dirigeables. Ce fut la première victoire de la Guerre Electronique. D’autres suivront. Les antennes tirées entre le troisième étage de la Tour Eiffel et les arbres de l’avenue de Suffren seront remplacées par des dispositifs de plus en plus complexes, de plus en plus coûteux et, près de cent ans plus tard, le général Siffre pourra s’exclamer : « Maître des ondes, maître du monde »
Par le général Etienne Copel
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