La parution du guide Michelin le 18 janvier 2021 a suscité bien des interrogations et surtout des critiques, liées à la situation sanitaire responsable de la fermeture des restaurants. Certains ont rappelé que pendant les deux conflits mondiaux du XXème siècle, le guide Michelin, créé en 1900, avait suspendu sa parution !
Rien de tel aujourd’hui, car, à la différence de la plupart des autres guides et classements, le guide Rouge a développé depuis l’automne dernier une activité fébrile afin d’actualiser les multiples éditions (37 dans le monde) qui assurent sa présence sur les trois continents. S’agissait-il comme l’a affirmé le patron français du guide de soutenir les restaurateurs touchés par la pandémie ? Les très rares établissements promus s’en sont félicités, mais pas les 46 autres – déclassés, oubliés ou radiés.
L’explication de cette frénésie éitoriale est apparue quelques jours plus tard, le 1er février 2021, lorsque a été annoncé la création d’une société commune (joint venture) entre Michelin et Media-Participations (4ème groupe français d’édition) sous le nom de Michelin Editions, contrôlée à 60 % par Média-Participations et 40 % par Michelin.
C’était un souhait d’Edouard Michelin, au début des années 2000, de couper les ponts entre un Guide Rouge déficitaire – « ce ne doit plus être une danseuse », disait-il alors – et l’entreprise de pneumatique clermontoise devenue une multinationale. Disparu en 2006, à 42 ans, dans le naufrage d’un bateau de pêche, Ed ouard Michelin n’a pu mener à terme ce projet, qui se réalise aujourd’hui, en partie. Certes, Media-Participations n’est pas un inconnu. Fondé par Remy Montagne en 1981, époux de Gabrielle Michelin, ce groupe constitué d’éditions chrétiennes et familiales, partage les valeurs ancestrales de la firme clermontoise. Mais, les affaires sont les affaires, et Vincent Montagne, fils du fondateur qui dirige aujourd’hui le consortium, pourrait bien, à terme, s’approprier la totalité du capital de Michelin Editions.
Ce mouvement capitalistique semble au moins expliquer l’acharnement avec lequel ont été conduites les opérations des deux derniers mois : le 18 novembre, rachat de 100 % du Fooding ; le 20 novembre, parution du Guide Michelin Séoul 2021. En décembre, nouvelle accélération : sortie du guide de Tokyo, de Thaïlande, d’Espagne et du Portugal. En janvier 2021, Mchelin Hong-Kong et Macao, guide France (18 janvier) ; Grande Bretagne et Irelande (25 janvier).
Cette agitation éditoriale est à rapprocher, naturellement, de l’annonce, tenue secrète, de la fusion de Michelin-Editions et du groupe Media-Participations. Les syndicats de Michelin Editions (http://www.cfecgcmichelin.org/actus-sites/boulogne/) se sont émus publiquement, fait rarissime, des conséquences de cette fusion : déménagement sans prévis des personnels de Boulogne dans les locaux de Média-Participations (19ème arrondissement), de la remise en cause du business-plan de la société, de la réduction annoncée des effectifs, des salaires, et de certaines dotations. Bref, les conditions de cette fusion inattendue annoncent un avis de tempête dont les conséquences sont imprévisibles.
A cela, s’ajoutent de nombreuses contestations sur les étoiles décernées, en Asie notamment, à des bouis-bouis de la street-food à Singapour et à Hong-Kong. « Je ne pense pas vraiment que le moment soit venu pour Michelin de juger les restaurants lorsque les entreprises subissent une pression extrême pour rester à flot », estime auprès de CNN, le chef australien Shane Osborn, étoilé au guide Michelin de Hong Kong. A cela s’ajoutent dans plusieurs pays du Sud-est asiatiques des suspicions de corruption dans l’attribution des fameuses étoiles.
Jean-Claude Ribaut
A lire également dans le numéro 92 de La Revue qui sort ce 26 février : Guide Michelin 2021 : Confinement d’étoiles. Jean-Claude Ribaut revient sur cette édition qui aura fait 2 heureux et 46 mécontents.
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