Les archives de La Revue : Jacques Menou, un général français amoureux de la fille d’un cheikh

  • Ce texte signé Fawzia Zouari a été publié dans le numéro 71 ( Juin-juillet 2017) de La Revue pour l’intelligence du monde.-

Un général napoléonien épouse une descendante du Prophète. Ce n’est pas le début d’une farce orientale, mais l’histoire étonnante et méconnue d’Abdallah Jacques Menou, qui a entrepris de demander à un cheikh égyptien la main de sa fille Zoubeida.

En ce mois d’août 1799, l’expédition d’Egypte touche à sa fin. Malgré quelques belles victoires, la campagne française s’enlise et l’armée d’Orient reste éprouvée par la destruction de sa flotte à Aboukir. Napoléon Bonaparte vient de regagner la France, laissant derrière lui des troupes divisées entre soutiens du général Jean-Baptiste Kléber, favorable au retour des soldats en Métropole, et partisans du général Jacques Menou, prônant une colonisation douce et pérenne sur les terres du Nil. En cela, Menou est proche de Bonaparte. Il est persuadé de l’importance géopolitique de l’égypte et de la nécessité d’associer les « indigènes » à la gouvernance du pays, voire de s’en rapprocher plus intimement. Napoléon avait déjà remarqué cette convergence de points de vue avec son général et avait eu l’occasion de le féliciter en entendant dire qu’il fréquentait assidûment les mosquées du Caire.

Or, y a-t-il meilleur moyen de rallier un peuple que d’y faire souche et d’y créer des alliances matrimoniales ? Pragmatique et généreux, Menou va donner de sa personne. Il s’est mis dans la tête d’épouser une égyptienne, musulmane de surcroît. Mais il est loin de deviner les retombées d’une décision qui laisserait de lui, non pas l’image de l’homme intègre, ouvert et instruit qu’il était, mais d’un mauvais militaire doublé d’un renégat. Les archives de guerre – notamment une correspondance entre Menou lui-même et le maréchal Marmont, alors en égypte – attestent du scandale que fut « ce mariage ridicule qui le rendit (Menou) méprisable aux yeux de tout le monde ».

A peine nommé gouverneur de Rosette (« Al-Rachid » en arabe), alors le plus grand port d’Egypte, situé non loin d’Alexandrie, Menou s’apprête à frapper à la porte d’un cheikh connu et considéré, El-Garem, lequel aurait deux jeunes gazelles à caser. Hélas ! Le Français a beau être né au château de Boussay dans une très ancienne famille, avoir exercé dans son pays la fonction de maréchal de camp et de député, s’être rallié à la Révolution et avoir présidé son Assemblée constituante en 1790, il lui manque l’essentiel aux yeux du cheikh égyptien : il n’est pas musulman.

El-Garem sait que devenir le beau-père d’un Nazaréen lui coûterait son honneur et le ferait passer pour un apostat. Il mesure le scandale. Et que fait-il ? Aussitôt prévenu des intentions du général, il court marier ses deux vierges le même jour. Le bruit se répand dans la ville, les langues se délient, gros rires dans les rangs de l’armée qui se gaussent de la lubie de leur supérieur, colère des religieux musulmans qui voient d’un très mauvais œil l’attitude du Français. Pourtant, le geste de Menou n’est pas une première. De nombreux officiers de l’armée d’Orient avaient déjà succombé aux charmes des Orientales et s’étaient convertis par amour. Beaucoup demandaient en mariage des filles de notables. Leurs compatriotes les soupçonnaient de vouloir acquérir de l’influence et de la fortune. Les musulmans, quant à eux, accusaient ces khawaga (« étrangers ») de venir à l’islam pour des raisons de cœur et non de foi. L’historien Al-Gabarti écrivait : « C’est ainsi qu’ils faisaient semblant d’être musulmans lors de la rédaction du contrat de mariage et qu’ils prononçaient la formule sacrée de la foi musulmane. » Mais ce que l’on ne disait pas et qui faisait peur aux égyptiens, c’était l’affranchissement de leurs femmes dès lors qu’elles avaient un Français pour époux : « Les commandants des quartiers s’étaient mariés avec des musulmanes, celles-ci accompagnaient leur mari habillées à la mode française, se promenaient avec eux et quelques-unes sortaient en ville sans leur mari, accompagnées de leurs amies et précédées de cawas

(huissiers chargés de suivre les personnalités importantes dans leurs déplacements)

tenant en main des bâtons pour leur faire passage, comme cela avait lieu du temps des anciens gouvernants. »



Napoléon fête avec les Cairotes l’anniversaire du Prophète, en 1799.

Menou ne désespère pas. Il est sur la piste d’un autre parti : la fille de Muhammad al-Bawab. Elle vient de divorcer, ce qui facilite les choses, car ce statut est peu enviable pour toute femme de l’époque et fragilise sa position. C’est en tout cas ce qui permet à Menou d’obtenir la main de la jeune femme, et non pas – comme l’ont laissé entendre ses détracteurs – la pauvreté de Zoubeida. Celle-ci n’est ni une Cosette locale ni le laideron qu’évoquait, par exemple, Martin Mormont : « Il [Menou] choisit la fille d’un misérable baigneur de Rosette. Elle n’était plus jeune, elle n’était pas belle (…) » L’on se demande, d’ailleurs, comment Marmont peut décrire de la sorte une femme qu’il n’est pas censé avoir vue.

Qui est réellement Zoubeida ? On lui prête plusieurs noms. Le bibliographe Gabriel Guémard l’appelle Nefissa. L’historien Al-Gabarti la nomme Fatma al-Rachidiyya (le mot Rachidiyya faisant référence à l’appellation arabe de Rosette). On la dit fille d’un maître des bains, en réalité, le patronyme de « Bawab » désignait une fonction publique équivalente à celle d’un chef de protocole et était devenu titre nobiliaire. Zoubeida descendait en outre d’une lignée de « chérifs » et donc du Prophète. C’est d’ailleurs ce qui semble résumer la qualité recherchée par Menou et le motif principal de son choix. Il s’en vantera tout de suite auprès de Napoléon : « Ma femme est du sang de Muhammad du côté du père et de la mère, lui écrit-il : c’est ce qu’on appelle “chérif”. » Zoubeida avait épousé en premières noces un aristocrate turc, Selim Agha Ni’matallah, preuve supplémentaire de la bonne situation de sa propre famille. Elle devait avoir dans les 23 ou 24 ans et son divorce venait d’être prononcé, car il semble que le délai de viduité fût à peine passé quand elle convola avec le général. L’acte de mariage précise en effet qu’elle avait accompli « la période fixée pour la retraite légale, en conformité avec les préceptes du Livre saint et de la tradition du Prophète », soit une période de trois mois pleins qui certifient que la femme remariée n’est pas enceinte de son ex-mari.

Quant aux traits physiques de la fiancée, fions-nous au témoignage de Menou lui-même qui la décrit ainsi au général Marmont : « Ma femme (…) est grande, forte, et en tout assez bien. Elle a de très beaux yeux, le teint du pays, les cheveux longs et extrêmement noirs. » Pour ce qui est du caractère : « Elle est bonne et je lui trouve beaucoup moins de répugnance que je croyais pour beaucoup d’usages français, et surtout peu ou point de superstition, quoiqu’elle fasse ses prières fort correctement, mais elle croit que celles des autres religions sont tout aussi bonnes. » C’est dire si la jeune femme était conciliante, curieuse et prête à concéder de sa culture pour s’ouvrir à l’Autre.

Le mariage est célébré le 26 Ramadan 1213, c’est-à-dire au début du mois de mars 1799. Il est assorti de l’avis favorable de deux ulémas devant lesquels Menou prononce la chahada (profession de foi) et prend le nom musulman de « Abdallah ». Il signera désormais « Général Abdallah Jacques Menou ». Une assemblée de religieux le dispense de la circoncision. Deux documents sont établis pour attester de cette union. Le premier consigne la conversion de Menou et son mariage avec Zoubeida, le second est un contrat de consentement mutuel entre les deux époux. Ce sera le seul contrat relatif aux mariages franco-musulmans enregistré devant les tribunaux sharî’ car, jusque-là, ces mariages étaient enregistrés selon la procédure du droit dit « coutumier » (’urfî) qui ne laisse pas de trace écrite. C’est sur ce document que les historiens vont se fonder pour étudier ce genre d’union de l’époque : « Cet unique témoignage, du reste, n’a pas échappé à une tentative de destruction, fait remarquer l’historien Ramadân al-Khûlî : il a été entièrement et soigneusement raturé, peu de temps après l’expédition, et l’on pourrait voir, dans cette volonté de l’anéantir, le plus sûr aveu de la singularité du document. »

Tout porte à croire que Menou n’avait jamais vu sa femme avant. Et tout laisse penser que, ce soir où il lève pour la première fois le voile sur son visage, sa cinquantaine bien tassée se réjouit de tant de fraîcheur et de bonté…

« C’est un peu mettre à la loterie que d’épouser une femme que l’on a pas vue »

Aussitôt, il informe ses supérieurs de ses épousailles, notamment le général Marmont qui le félicite en ces termes : « Je vous fais mes compliments (…) J’aurais eu grand plaisir d’assister à vos noces », avant de continuer, perfide : « Y aurait-il de l’indiscrétion, mon cher général, à vous demander comment vous vous trouvez de votre état ? Je suis impatient de savoir si Madame Menou est jolie et si vous comptez, à la manière du pays, lui donner des compagnes ? Me permettez-vous, moi profane, de lui offrir mes hommages ? Veuillez, mon cher général, si vous le trouvez bon, le lui faire agréer et lui faire connaître le désir que j’ai de faire sa connaissance. » Marmont insinue, en passant : « Je vous fais mon compliment bien sincère que le sort ne vous a pas trompé, car c’est un peu mettre à la loterie que d’épouser une femme que l’on n’a pas vue. » De fait, Marmont se retient de dire ce qu’il pense vraiment et qu’il livrera plus tard dans ses mémoires à propos de cette « extravagante idée de se marier à une musulmane », de ces « cérémonies bizarres auxquelles il [Menou] se soumit, des humiliations qu’il lui fallut supporter, imposées par sa nouvelle famille [qui] le rendirent la fable de l’armée ». Des commentaires qui renseignent sur le mépris calomnieux dans lequel les officiers tiennent leur supérieur du fait d’avoir abandonné sa religion pour l’islam et pris femme parmi les « indigènes ».

« Savent-ils ces imébéciles (…) que ce sont la politique et l’amour de mon pays qui m’ont dirigé ? « 

Menou le sait. Il se dit que Napoléon aurait compris le sens politique de son mariage. Bonaparte aurait même saisi sa fascination pour l’islam, car il l’avait éprouvée lui aussi. Maintenant, il lui faut convaincre ses collègues de l’armée. Dans une lettre au général Dugua, il avance : « Vous pouvez croire que le désir de me rendre utile à la chose publique a été mon premier et principal motif [de ce mariage]. » Ou encore, dans une lettre au général en chef Kléber, datée du 24 novembre 1799 : « Savent-ils, ces imbéciles qui me reprochent d’avoir épousé une femme musulmane, que ce sont la politique et l’amour de mon pays qui m’ont dirigé ? »



L’assassinat de Kléber par un étudiant kurde de Syrie, le 14 juin 1800.

Cela dit, il semble que dans le privé Menou ne regrette point sa décision. Il vient de succomber au charme de son épouse. Et vit une véritable idylle, un « roman », selon sa propre expression, livrée dans une lettre à Dubois-Thainville, commissaire aux relations commerciales auprès du gouvernement d’Alger, datée du 28 octobre 1800, soit quelques mois après son mariage : « Ma vie est un véritable roman. »

A preuve, le général n’a plus envie de quitter sa province. Il veut rester auprès de sa femme. Il ne l’oblige pas à changer ses habitudes. La laisse libre de conserver son voile et son costume traditionnel. Veille à son confort en chargeant des amis de lui trouver au Caire une maison avec jardin dans le quartier huppé d’Ezbekieh. La suite confirme cet amour et le souci permanent du Français de garantir le bien-être de Zoubeida. Même Napoléon plaisante à ce propos dans ses Mémoires, évoquant un Menou « prévenant [pour sa femme], lui donnant la main pour entrer dans la salle à manger. La meilleure place, les meilleurs morceaux étaient pour elle. Si son mouchoir tombait, il s’empressait de le ramasser. » Jacques ne presse pas Zoubeida de recevoir ni de se découvrir devant ses collègues. Il se contente de lui transmettre leurs hommages. Et il ne veut pas entendre ceux qui lui suggèrent, maintenant qu’il est devenu musulman, de profiter de son état (sic) pour prendre des concubines : « Je ne suivrai pas la permission que donne le Prophète d’avoir quatre femmes… une me suffira. » En vérité, Menou a beau donner à cette union un sens politique pour échapper aux critiques, il éprouve de l’amour non seulement pour la personne de Zoubeida mais pour sa religion. Si l’on en croit les témoignages de l’époque, sa conversion n’était pas une astuce : il fut un « bon musulman », s’acquittant de ses prières à la mosquée et respectant le reste des rituels. Dans une lettre datée du 1er septembre 1801 adressée à un ami égyptien, Menou affirme aussi s’être converti « après mûre réflexion », l’islam lui ayant paru « la religion la plus simple et la plus majestueuse ».



La bataille de Canope, perdue par Menou, le 21 mars 1801.

Pendant ce temps, Dame Zoubeida s’épanouit et goûte à la liberté. Elle ne cache pas son bonheur de se voir traitée comme une vraie personne. Et ne manque pas de le faire savoir autour d’elle. Napoléon rapportera cette autre anecdote : « Quand cette femme eut raconté ces circonstances [la prévenance de son mari et sa galanterie] dans le bain de Rosette, les autres conçurent une espérance de changement dans les mœurs et signèrent une demande au Sultan Kébir [Kléber] pour que leurs maris les traitassent de la même façon. »

Le destin – que les Arabes appellent maktoub – va épargner aux cheikhs de Rosette le scandale de voir leurs filles aspirer à plus d’émancipation et suivre l’exemple de Zoubeida. Le 14 juin 1800, Menou est appelé au Caire en urgence. Le général Kléber vient d’être assassiné par un certain Soliman al-Halabi, et Abdallah-Jacques lui succède en tant que général de division le plus ancien. Il a désormais le titre de général en chef. Il s’attelle tout de suite au travail et s’avère un excellent administrateur. Pendant huit mois, jusqu’à la fin février 1801, il gouverne l’Egypte d’une manière qui satisfait tout le monde, remet à flot les finances, réforme la justice et prend les mesures nécessaires pour développer l’agriculture, l’industrie et le commerce.

« La meilleure femme du monde lui a donné un fils : « Soliman Mourad Jacques ».

C’est dans ce laps de temps que Zoubeida accouche de leur garçon : « L’enfant est très joli, sa physionomie m’a paru absolument la vôtre », l’informe par écrit le général Zajonczek, correspondant à Rosette, le 8 décembre 1800. Et Menou de commettre sa seconde bévue aux yeux de ses soldats. Il donne à son fils le prénom de l’assassin de Kléber : Soliman. Est-il conscient du scandale qu’il va provoquer ? Le fait est qu’il paraît au comble du bonheur et l’écrit à sa famille en France : sa « santé est très bonne », il commande « la plus brave armée qui existe », il gouverne « un peuple extraordinaire », son épouse est « la meilleure femme du monde », elle vient de lui donner un fils qu’il a nommé « Soliman Mourad Jacques ».

Lorsque les membres du Divan du Caire lui envoient une lettre de félicitations à l’occasion de cette naissance, il répond : « Au nom de Dieu clément et miséricordieux. Allah seul est Dieu et Muhammad est son Prophète. De la part d’Abdallah Menou, général en chef de l’armée d’Orient de la République française, aux cheikhs et ulémas, membres du Divan du Caire. Je vous remercie pour les félicitations que vous m’avez adressées à l’occasion de la naissance de mon fils Soliman Mourad Jacques Menou. Je prie Dieu et je vous demande de L’implorer avec moi par l’intercession de Son Envoyé, le Prophète des prophètes, de le conserver longtemps. Puisse-t-il aimer toujours la vérité, demeurer fidèle à sa parole et se garder de toute ambition. Ces vertus sont la meilleure richesse que je souhaite pour mon fils. »

Menou ne sait pas en rédigeant cette lettre qu’il est sur le point de partir sans voir son garçon. Les Anglais sont à la reconquête du pays. Leur flotte arrive en vue d’Alexandrie et débarque avec 15 000 hommes. La France ne répond pas aux appels au secours de son général en chef. Menou est isolé et presque « oublié » au bord du Nil. Quand, le 21 mars 1801, il prend la tête du corps expéditionnaire français pour repousser le débarquement ennemi lors d’une ultime bataille à Canope, c’est la débandade. Menou est obligé de se retirer à Alexandrie où il capitule le 30 août et se voit contraint d’accepter une convention d’évacuation de l’Égypte.

Heureusement pour lui, il peut compter sur Bonaparte et rentrer en France avec les honneurs. Le 17 mai 1802, Napoléon le nomme membre du Tribunat et, trois ans plus tard, administrateur général du Piémont avant de lui attribuer la fonction de gouverneur général de la Toscane, puis de Venise. En 1808, il l’élèvera au rang de grand officier de la Légion d’honneur et le fera comte de l’Empire.

Menou quitte l’Egypte le coeur en sang. L’époux, jadis fidèle se met à fréquenter les bas fonds de Venise

En attendant, Menou quitte l’Egypte le cœur en sang. Il est obligé de laisser derrière lui Zoubeida et son fils, et entreprend d’écrire à Napoléon pour lui recommander de protéger sa petite famille restée à Rosette. Zoubeida semble, en tout cas, décidée à suivre son mari. Elle réussit à obtenir un sauf-conduit des Anglais qui viennent d’envahir la ville, au grand dam des Turcs qui veulent la retenir.

A partir de cette date, il existe peu de témoignages sur la façon dont l’égyptienne rejoint le général. Et quasiment pas de trace de la relation qui s’établit entre eux désormais. Certaines sources laissent entendre que, une fois arrivée en Europe, la jeune femme ne se montre plus en public. Le maréchal de Castellane raconte dans ses Mémoires: « Je séjournai à Lyon et passai à Turin. Le général Menou, gouverneur général, (du Piémont) avait avec lui sa femme égyptienne, je ne la vis pas. »

Plus encore. Tout laisse à croire que l’ancien attachement du général à son épouse n’a pas survécu à leur départ d’égypte. L’époux, jadis fidèle et refusant de prendre concubine, s’est mis à fréquenter les bas fonds de Venise et à courir les cocottes. Il mène grand train et organise des fêtes d’un faste inouï. On parle de ses relations tapageuses avec des comédiennes et plus spécialement avec une danseuse italienne qu’il entretiendrait à grands frais.

Quelle fin de vie pour Zoubeida ? De nombreux témoignages diffèrent…

Comment réagit Zoubeida ? On ne le sait pas. Et les sources se contredisent quant à la fin de sa destinée. Certaines prétendent qu’elle serait rentrée en Egypte en raison des frasques de son mari pour mourir à Rosette où elle reposerait. D’autres laissent entendre qu’elle serait morte avant son époux soit à Turin, soit à Venise. Enfin, des historiens sont persuadés de reconnaître Zoubeida dans cette « veille femme demeurée fidèle à sa religion musulmane » qu’évoque l’historien et réformiste égyptien Rifa’a al-Tahtawi en voyage en France vers le milieu du xixe siècle. D’après ce dernier, Zoubeida aurait survécu à son mari et se serait installée à Marseille. Enfin, l’on avance un décès survenu en juin 1816, soit six ans après la disparition de son mari en 1810, et une inhumation au cimetière du Père Lachaise…

Quant au fils du couple, Soliman Mourad, il semble qu’il fut élevé par la famille Menou, ce qui confirme l’hypothèse d’une mort prématurée de Zoubeida, suivie de celle de Menou alors âgé de 60 ans. Mais l’orphelin, recueilli dans sa famille paternelle et héritier du titre de comte, ne survécut pas à ses parents. Il mourut quelques mois après son père, à l’âge de dix ans.

Là aussi, les témoignages diffèrent. D’après Rifa’a al-Tahtawi, Zoubeida aurait donné un second fils à Menou. Lequel aurait été baptisé grâce au concours de l’orientaliste Silvestre de Sacy qui aurait convaincu l’égyptienne d’embrasser à son tour la religion du Christ. Il se trouve que quelques rejetons se sont réclamés du général. Mais il n’est pas sûr que ce soit les enfants du couple, ni même de Menou, à moins d’imputer ces naissances à quelques infidélités du gouverneur de Venise… Le témoignage le plus fiable, aux yeux des historiens, est celui de Madame de Beaulaincourt, fille du maréchal Castellane. Dans une lettre au président de l’Institut égyptien, Yacoub Artin Pacha, elle écrit : « Voici les renseignements authentiques et puisés dans la famille même du général Menou. Il a eu un fils de sa femme égyptienne. Mais ce fils qui avait été élevé dans la famille de Menou est mort à dix ans. Menou n’a pas eu d’autres enfants légitimes. Mais il y a, paraît-il, eu quelqu’un qui s’est donné comme le fils du général Menou et qui a eu, je crois, des descendants. Ils se donnent comme des descendants du général Menou, ce sont, paraît-il, des imposteurs, absolument reniés par la famille. »

Aujourd’hui, le nom du général Abdallah Menou est inscrit sur l’Arc de Triomphe de l’Étoile, côté Sud. Celui de Zoubeida n’est inscrit nulle part. Comme le veut, souvent, l’histoire.

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