Les rançons : moteur du djihadisme par le Général Etienne Copel

Plus de 160 morts au cours de l’attaque sauvage perpétrée par des djihadistes au Nord-Est du Burkina ! Le moins que l’on puisse dire est que la bande Saharo-Sahélienne n’est pas pacifiée ! Barkhane l’opération militaire française a-t-elle échoué ? La France doit-elle retirer ses troupes ? La question se pose d’autant plus, qu’avec la mort au combat du président tchadien Idriss Deby, le point fort de la résistance au djihadisme africain est ébranlé, tandis que le coup d’état militaire au Mali complique terriblement les rapports que la France entretient avec ce pays où stationne une très grande partie de ses forces au Sahel. Bien sûr il faut espérer que, malgré la fin officielle de Barkhane, le président Macron saura résister aux sirènes pacifistes qui le poussent à laisser l’Afrique se débrouiller seule face aux terroristes.

Il faut l’espérer car il est faux de dire que Barkhane a échoué : Bamako ne ressemble pas à Kaboul du temps des Talibans. L’intervention française décidée par le président Hollande a sauvé l’essentiel de la population malienne de la descente des colonnes de pick-up djihadistes. Il faut l’espérer car il est faux de dire que la poussée terroriste est irréversible en Afrique comme en Afghanistan. En effet, aucune des différentes mouvances qui font régner la terreur en Afrique ne bénéficie de l’appui d’un grand Etat voisin comme celui offert aux Talibans par les « services » du Pakistan.

Alors comment expliquer les succès de Boko Haram et ses équivalents ? Il existe bien des raisons, mais une d’elle joue un rôle considérable … même si l’on n’en parle peu : les rançons.Dans son numéro de janvier 2021, La Revue a publié un entretien captivant avec Soumaïla Cissé, figure politique majeure du Mali, otage pendant six mois d’Ag Ghali, chef régional d’Al-Qaïda. Il a été libéré le 8 octobre 2020 en compagnie de la française Sophie Pétrolin enlevée en décembre 2016 à Gao et de deux Européens : Pier Luigi Maccalli prêtre catholique enlevé au Burkina et Nicola Chiacchio, un ingénieur aéronautique qui avait voulu traverser l’Afrique à vélo électrique.

Le témoignage de Soumaïla Cissé

Soumaïla Cissé a rappelé que malgré ces libérations «Quelque part au fond du désert croupissent encore un chirurgien australien octogénaire, un officier de sécurité roumain et une religieuse colombienne capturés entre 2015 et 2017. Jusqu’en septembre 2020, la missionnaire évangélique suisse Béatrice Stockly, enlevée à Tombouctou en janvier 2016 était du nombre. Mais face au refus des autorités de Berne de s’acquitter d’une rançon Ag Ghali a démontré qu’il restait un terrorisme avec lequel on ne discute pas. Il l’a fait exécuter.»

Le témoignage de S.Cissé, mort depuis du Covid, rappelle que les bandits qui sévissent à la tête des organisations djihadistes d’Afrique ne pourraient payer leurs soldats, leurs véhicules et leurs armes sans les rançons gigantesques qu’ils extorquent de la plupart des Etats dont ils enlèvent les ressortissants. Peut-on, pour autant, affirmer qu’il suffirait de ne plus payer ces rançons pour voir les exactions s’arrêter ? Sans doute. Mais on peut comprendre qu’un chef d’Etat, seul face à la douleur d’une famille, ne puisse résister à l’appel de la décision la plus humaine. Il paye. Avec le prétexte que s’il ne le fait pas son otage sera exécuté et les autres continueront à payer.

Le problème des rançons ne peut être réglé que par un engagement solennel de tous les Etats susceptibles d’être rançonnés. Plus facile à dire qu’à faire !

Le général Etienne Copel est membre du comité éditorial de La Revue pour l’Intelligence du Monde

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