Salomé Zourabichvili sera-t-elle le prochain (ou la prochaine) président (présidente) de la Géorgie ? Même si elle est arrivée en tête au premier tour de l’élection du 28 octobre, ses chances de l’emporter au second, le 2 décembre, semblent minces, compte tenu des reports annoncés en faveur de son adversaire.
Si jamais elle gagnait – qui sait, tout est possible en politique, comme l’élection de Trump en novembre 2016 l’a démontré – ce serait un événement. Car cette diplomate de métier née en 1952 à Paris de parents géorgiens émigrés en France n’est géorgienne que depuis 2004, lorsque Mikheil Saakachvili, le président de l’époque, la choisit comme ministre des Affaires étrangères. Elle reçoit alors la nationalité géorgienne, une loi ad hoc ayant été votée afin de lui permettre de conserver sa nationalité française, la double nationalité n’étant pas prévue par la législation géorgienne.
Evidemment, le parallèle avec Manuel Valls, candidat à la mairie de Barcelone, est tentant. D’origine espagnole, l’ancien Premier ministre de François Hollande est devenu français à 20 ans. Et il peut le rester. Car aucun problème de nationalité ne se pose pour lui. Comme quatorze autres États membres de l’Union européenne, l’Espagne permet en effet à tout citoyen de l’UE d’exercer une fonction municipale, y compris celle de maire.
Au parcours de Manuel Valls répond celui, en sens inverse d’une certaine façon, d’Anne Hidalgo. Née en Espagne en 1959, la maire de Paris a été naturalisée française avec ses parents en 1973, à 14 ans donc.Sans l’acquisition de cette nationalité, elle aurait pu devenir conseiller municipal de Paris, mais n’aurait pas pu accéder à la tête du Conseil. Si la France réserve aux nationaux les fonctions de maire et d’adjoint au maire, c’est parce que ceux-ci font partie des grands électeurs aux sénatoriales. Les sénateurs exerçant avec les députés la souveraineté nationale, ils ne peuvent être désignés par des étrangers.
Aujourd’hui, rien n’empêcherait Anne Hidalgo de viser plus haut et de briguer la magistrature suprême. Ce qui lui serait impossible dans un pays comme les États-Unis. On peut être représentant, sénateur ou même gouverneur sans être né américain – à l’instar d’Arnold Schwarzenegger, autrichien de naissance et gouverneur de la Californie de 2003 à 2011. Mais on ne peut pas postuler la présidence.
Pour boucler la boucle, on rappellera que Mikheil Saakachvili, l’homme qui avait fait appel à la Française Salomé Zourabichvili, s’est lui-même recyclé, si l’on ose dire, en Ukraine, au terme de son deuxième mandat à la tête de la Géorgie en 2013. En 2015, le président Petro Porochenko lui avait fait obtenir la nationalité ukrainienne et l’avait nommé gouverneur de l’oblast d’Odessa. Mais, bientôt, les rapports entre Porochenko et Saakachvili se sont gâtés. Ce dernier s’est vu retirer sa nationalité ukrainienne en 2017 avant d’être expulsé du pays en février 2018. Le voilà apatride puisqu’il avait auparavant renoncé à sa nationalité géorgienne.
« Nul n’est pas prophète en son pays », dit le proverbe. « En son pays d’adoption non plus », pourrait-on compléter.
Dominique Mataillet.
Soyez le premier à commenter