Le principe de précaution pour les médicaments, en particulier lorsqu’il s’agit de les recycler, va-t-il trop loin ?
Il était une fois Cyclamed. Une organisation française qui voulait fournir gratuitement aux associations humanitaires des médicaments non utilisés ou périmés. Fondée en 1993, elle fonctionnait simplement : les usagers rapportaient leurs médicaments non-utilisés à leur pharmacien, un professionnel, qui les triaient, les reconditionnaient et les donnaient quand ils ne présentaient aucun risque à des ONG comme l’Ordre de Malte, Médecins Sans Frontières, Médecins du Monde.
Ces ONG les redistribuaient essentiellement dans leurs antennes situées dans des pays particulièrement touchés par la misère ou les catastrophes, en particulier climatiques.
Et puis vinrent les critiques. Critiques que l’on retrouve dans un long rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de janvier 2005. Citons en quelques unes :
- Contrairement aux objectifs initiaux, Cyclamed n’a jamais cherché à minimiser l’afflux de médicaments non utilisés (MNU).
- Cyclamed récolte dans ses cartons 5,7 % des médicaments vendus chaque année soit une faible part des MNU.
- Les médicaments recueillis correspondent à des pathologies de pays riches alors que les besoins correspondent à des besoins de pays en crise ou en voie de développement.
- Le médicament risque de se périmer ou d’être conservé dans des conditions inadéquates.
- L’existence d’un circuit parallèle de distribution des médicaments comporte un risque important de fraudes.
En outre, nombre de beaux esprits expliquèrent alors qu’il était scandaleux de fournir des médicaments périmés à des patients, sous le simple prétexte qu’ils sont pauvres.
Alors vint, en 2007, l’interdiction pure et simple du « recyclage humanitaire ». Désolant ! Cyclamed ne survit que pour récolter les MNU et les incinérer.
J’ignore totalement si Cyclamed aurait pu récolter une plus grande part des MNU mais cela m’indiffère. Totalement ! De même, si certains pharmaciens – peu nombreux au demeurant – ont pu tricher en revendant quelques médicaments obtenus gratuitement cela ne me soucie guère. Cette fraude n’a rien à voir avec la distribution humanitaire. Plus intéressant, mais franchement farfelu, est l’argument suivant lequel les « pauvres » ne sont pas adaptés aux médicaments des « riches ». La réalité est que les antidouleurs, comme les antibiotiques, sont efficaces chez tous les mammifères. Point.
Reste la question des dates de péremption. En matière alimentaire les dates de péremption sont calculées avec une marge de précaution très confortable – voire très exagérée – mais correspondent à un risque réel d’intoxication. Rien de tel en matière de médicament. Un médicament périmé n’est pas dangereux, il est simplement moins efficace. En général, il est donné comme périmé lorsque le fabricant estime qu’après sa péremption il peut avoir perdu 10% de ses principes actifs.
Bien sûr, il vaudrait mieux qu’il n’y ait pas de pays pauvres. Bien sûr, il vaudrait mieux que tous les habitants de la planète bénéficient de la même couverture sociale que celle des Français. Bien sûr, bien sûr… Mais cela n’est pas. Alors, quand on voit que des médicaments sont incinérés par centaines de milliers de tonnes, alors qu’ils pourraient soulager des millions de « pauvres », cela donne envie de hurler.
Trop de stupidité tue.
Etienne Copel
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