Alors que les déclarations de Vladimir Poutine suscitent des interrogations sur les avancées de l’armement russe, les nouvelles orientations « défensives » américaines passent plus inaperçues. A tort, selon le général Etienne Copel.
« Le retard des Américains par rapport aux Soviétiques est maintenant tel qu’il ne pourra plus être rattrapé ». Ainsi s’exprimait, en 1985, le général Pierre-Marie Gallois dans la Guerre des cent secondes. C’était l’époque où la plupart des analystes occidentaux expliquaient tranquillement que l’URSS produisait mille chars par mois et que seul le nucléaire pouvait sauver le monde.
A la lecture de la Nuclear Posture Review (NPR) que vient de publier le Pentagone on ne peut que constater que, depuis un tiers de siècle, le monde a peu changé : il faut toujours faire peur pour justifier des dépenses nucléaires extravagantes. Ce document cherche à faire croire que les Etats-Unis vivent dans un monde cruel et que la Russie de Poutine les menace tout particulièrement. Il est exact que, depuis 2010, la hausse des dépenses militaires russes est spectaculaire. Elles s’étaient effondrées après la chute du régime des Soviets et, avec le retour des bénéfices pétroliers, Poutine aujourd’hui peut recommencer à montrer ses muscles.
De là à justifier les cris de misère du Pentagone, il y a loin ! Ou plutôt il devrait y avoir loin. Les Etats-Unis dépensent plus pour leur « défense » que les neuf pays qui les suivent au classement des pays les plus dépensiers pour leurs forces armées. Le budget militaire de Poutine est près de dix fois plus faible que celui des Etats-Unis, il est même inférieur de dix millions de dollars à la simple hausse du budget militaire américain votée par le Congrès en supplément du budget proposé par le Pentagone !
Envisager le pire
Mille sept cent milliards de dollars. Voilà ce que le Pentagone prévoit de dépenser au cours des trente prochaines années pour son armement nucléaire. Le président Obama avait aussi prévu, en 2010, une importante et coûteuse modernisation de ses forces nucléaires ; c’était pour lui le seul moyen de faire ratifier par le Sénat le traité de réduction des armes stratégiques qu’il venait de signer avec la Russie. Mais dans sa NPR il y avait une section intitulée : « Réduire le rôle des armes nucléaires américaines ».
Avec Trump l’esprit est différent. Non seulement il veut rénover et moderniser son armement nucléaire pour assurer la dissuasion contre une attaque nucléaire du sol américain mais il veut aussi diversifier et parfois miniaturiser ses armes pour rendre leur emploi plus facile donc plus crédible. Le Pentagone envisage, par exemple, l’utilisation d’armes nucléaires à la suite d’une cyberattaque massive.
« Sélectives, flexibles, de faible puissance… » pour qualifier leurs nouvelles armes, les stratèges américains ne manquent pas de mots apaisants. En fait, ces mots sont dangereux car ils montrent que les Américains, actuellement au pouvoir, sont prêts à employer leur arsenal nucléaire. Même en premier. Ils n’ont plus peur.
Cette absence de peur fait peur.
Par le général Etienne Copel
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