Notre collaborateur Gérard Haddad publie un livre très remarqué sur l’origine de la violence. – d’Oedipe à Caïn aux éditions Salvator- Pourquoi s’est-il intéressé à ce sujet et comment en arrive-t-il à la conclusion que Freud s’est trompé… ?
Pourquoi ce livre ?
« Nous assistons à la détérioration du lien social, à la montée de la violence sous des formes multiples, au terrorisme. Qu’est-ce que la psychanalyse aurait à dire du phénomène ? Le classique schéma œdipien, à savoir le conflit entre parents et enfants, est-il opérant pour comprendre cette détérioration ? Je ne le crois pas. Par exemple, les terroristes du Bataclan n’ont pas voulu tuer un père quelconque, mais des frères, considérés comme mécréants. Ils ont agi sous l’emprise du complexe de Caïn.
S’agit-il pour vous d’une rupture avec Freud ?
Nullement. L’œuvre de Freud a marqué ma vie. Les arguments les plus forts de cet ouvrage sont d’ailleurs tirés de textes de Freud, de lettres à Thomas Mann, à son ami Fliess, qui contiennent des arguments caïniques dont Freud refusait de faire la théorie. Dans une lettre à Thomas Mann, Freud écrivait que l’origine des guerres napoléoniennes, origine qui serait celle de toutes les guerres, se trouve dans la haine que Napoléon éprouva d’abord pour son frère Joseph, haine métamorphosée en grand amour et déplacée sur son goût pour la guerre. L’origine des guerres est à chercher dans le complexe de Caïn, c’est-à-dire dans la rivalité fraternelle.
Comment situez-vous ce livre par rapport à la littérature analytique ?
Il est possible que la communauté des analystes, qui entretient un rapport quasi-religieux à l’œuvre de Freud, voit cet essai d’un mauvais œil. Cette communauté est embourbée dans le refoulement du complexe de Caïn qui donne à ces sociétés un comportement quasi religieux, sectaire. Quelques années avant sa mort, le célèbre psychanalyste Moustapha Safouan avait décrété que la psychanalyse était morte. Par ce livre, je montre que ma discipline est bien vivante, qu’elle a de nouveaux territoires à conquérir. Elle doit pour cela se débarrasser de la thèse contenue dans Totem et Tabou selon laquelle à l’origine de l’humanité il y aurait un parricide. La Bible me parait plus pertinente en affirmant qu’à l’origine de l’humanité il y a le fratricide de Caïn dont toute l’humanité descend. C’est ce que disait aussi Albert Camus.
A ne pas manquer : la critique dans le numéro 91 de La Revue du livre de Gérard Haddad par Alain Teulié
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