Une cérémonie en l’honneur des chefs militaires de la Première guerre est prévue samedi aux Invalides. Parmi les officiers concernés par cet hommage, un certain Philippe Pétain…
Septembre 1913 : Comme chaque année l’armée française organise ses grandes manœuvres Les moissons sont terminées, les champs peuvent être traversés par les troupes sans dommage pour les cultures. Près d’Arras, la journée est dirigée par un général venu de Paris pour vérifier que la doctrine de l’offensive à outrance prônée par le colonel de Grandmaison, officialisée par l’Etat-major et l’Ecole de guerre, est bien connue et appliquée par tous. En fin d’après-midi les troupes « ennemies » étant regroupées sur un point haut, pour aller plus vite, pour montrer sa détermination offensive, il ordonne l’assaut « baïonnette au canon » sans préparation d’artillerie. Sonnez trompettes ! La position est enlevée avec brio malgré le feu nourri des mitrailleuses tirant … à blanc.
Le soir a lieu le compte rendu de la journée. Après le général venu de l’Etat-major, le colonel commandant le régiment d’Arras, un certain Pétain à quelques années de la retraite, prend la parole devant ses troupes dont, un nouveau venu, un certain lieutenant de Gaulle : « Messieurs le général Le Gallet vient de vous montrer toutes les fautes qu’il ne faut pas commettre en temps de guerre ». Et il précise sa pensée en expliquant que les « circonstances » ne sont plus celles de 1870, les mitrailleuses et la généralisation des obus explosifs ont changé la donne : « Ne l’oubliez jamais : le feu tue ». En le voyant s’opposer aussi courageusement à la Doctrine officielle de tous les beaux esprits des « hautes sphères » militaires, personne ne s’étonne alors qu’il soit sur le point de terminer sa carrière sans accéder aux étoiles des généraux.
Moins d’un an plus tard, la guerre débute avec l’application brutale de la doctrine officielle. Le 15 août, à Dinant, le lieutenant de Gaulle reçoit l’ordre d’attaquer une position de mitrailleuses allemandes sans aucune préparation d’artillerie. Avec sa section, il s’élance et dès les premiers mètres il s’effondre blessé à la jambe. Appliquant toujours la même doctrine, le 22 août, 27 000 Français sont tués. Les Allemands ont deux fois moins de pertes.
Les mois, puis les années passent, la doctrine officielle n’est pas remise en cause. Mais curieusement le colonel Pétain est nommé général et prend des responsabilités croissantes. Contrairement à Joffre, qui ne quitte jamais les châteaux où il installe son Quartier Général (QG), Philippe Pétain va régulièrement vivre avec ses hommes dans les tranchées. Il est reconnu comme un chef exceptionnellement soucieux d’économiser la vie de ses hommes. Vainqueur de Verdun, il n’est pourtant pas nommé Chef d’état-major interallié car Foch, ancien professeur de la Doctrine de l’offensive à outrance, à l’Ecole de guerre, lui est préféré.
Célébrer la victoire de 1918 sans nommer Pétain, le plus lucide des généraux de la première guerre mondiale, serait inconcevable.
Comme il le serait d’oublier que, dans les années 30, Pétain, seul survivant des maréchaux de la guerre, devenu le maître absolu de la pensée militaire française, a oublié, lui aussi, de s’adapter aux circonstances. Il a donné la priorité à la ligne Maginot. En oubliant les chars.
Avant de s’avilir.
Etienne Copel.
Soyez le premier à commenter