Votre livre s’est vendu à 750 000 exemplaires le 11 septembre, jour de sa parution. Gageons que dans quelques semaines, tout autour de la planète, les lecteurs de votre ouvrage se compteront par millions. Peu regretteront cet achat tant « Fear » est passionnant. Il se lit comme un roman. Comme un roman ? Ou comme une fiction ainsi que l’affirme Donald Trump? Ce n’est pas à moi de juger. Encore que …
S’il est passionnant, votre best-seller est pourtant un peu décevant. Tout ce que vous racontez est à peu près connu. A peu près seulement. Nous savions tous, par exemple, que Donald Trump n’a pas les manières de la reine d’Angleterre mais, en vous lisant, on s’aperçoit qu’il est franchement ordurier. « Fuck, fucking … » revient dans presque toutes ses phrases. Nous savions, bien sûr, qu’il n’était pas tendre avec son entourage, mais de là à traiter son « attorney general » de retardé mental il y a loin. Il faut dire que son entourage n’est pas non plus particulièrement délicat avec lui. Certains n’hésitent pas à affirmer que son niveau intellectuel est celui d’un enfant de primaire !
Passons sur tous les traits de caractère, pas très glorieux, que vous décrivez, la presse en a déjà fait largement état. Sur le fond qu’ai-je appris à vous lire sur la politique du président Trump ? Au fil des pages j’ai d’abord compris que sa fameuse idée : « Trade is bad » n’est pas une simple idée mais une obsession. Trump veut avant tout diminuer le gigantesque déficit commercial des Etats-Unis et redonner du travail aux ouvriers américains. Et pour cela il veut d’une part se désengager d’accords commerciaux qui lui lient les mains et surtout il tient à augmenter les droits de douane. Les arguments avancés par son entourage sur le plein emploi américain et les mesures de représailles à prévoir n’ont aucune prise sur lui. Il n’a que faire de ces arguments de diplômés de Harvard. Il est sûr de ses intuitions.
En matière de politique étrangère c’est encore le déséquilibre de la balance commerciale qui le fait réagir en priorité. Pourquoi dépenser des sommes considérables pour entretenir des milliers de soldats américains en Corée du sud ? Pourquoi installer de coûteux missiles dans ce pays qui inonde les Etats-Unis de ses produits ? Pourquoi ne pas le faire payer ? Le raisonnement est identique avec les « alliés » européens de l’Otan. Pourquoi dépenser autant pour leur sécurité alors qu’eux ne font pas d’efforts suffisants pour leur propre défense ?
Vis-à-vis de l’Iran, Mister Woodward, vous ne nous permettez pas de comprendre la motivation profonde du Président. Vous constatez, comme ses conseillers, que Trump affirme sans cesse : « l’accord signé par Obama est le plus mauvais traité de l’histoire américaine » et qu’il ne cherche même pas à expliquer sa position. Les considérations subtiles sur le nécessaire respect de la parole donnée ne le touchent pas. Encore des arguments de diplômés de Harvard !
En mars dernier, au cours d’une interview accordée à Vox vous avez déclaré : « Mon job n’est pas de prendre parti. Il n’est pas de tresser des louanges ou de condamner. Il est de raconter exactement ce que les gens ont fait. »
Dans « Fear » vous ne faites pas de pronostics sur les résultats de l’enquête menée par le procureur Mueller au sujet d’éventuelles ingérences russes dans la dernière campagne présidentielle. Simplement vous décrivez les multiples colères du Président et ses profondes périodes d’abattement dès qu’un élément nouveau apparaît. Même si vous ne le dites pas, il est difficile de ne pas en déduire que le président se sent coupable.
Vous aussi, Mister Woodward, vous avez une obsession : « Des faits, rien que des faits ». Bravo ! Mais reconnaissez que la somme des faits que vous décrivez peut conduire à une condamnation. Brutale.
Aussi brutale que l’homme dont vous décrivez les faits et gestes.
Etienne Copel.
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