C’était le 12 mars dernier. Cela devait être la grande fête du cinéma qui pouvait enfin nous envoyer un signe fort d’espoir et nous faire rêver, le temps d’une soirée, après ces longs mois, interminables, de salles vides et de films reportés. Au moins nous faire oublier pendant quelques heures le contexte sanitaire actuel. Les critiques sont unanimes : ce n’est pas cette cérémonie qui donnera envie de retourner dans les salles…
« Le cinéma, c’est une industrie, culturelle et créative. Les César sont une vitrine pour vendre notre cinéma à l’international. Est-ce que vous voyez l’image que cela a donné ? C’est navrant de voir des artistes piétiner leur outil de travail. » Roselyne Bachelot, ministre de la Culture n’a pas manqué de dire ce qu’elle pensait, deux jours après le pitoyable spectacle donné. Diffusée sur Canal + , cette cérémonie, la 46 eme du genre, a obtenu la plus faible audience de son histoire : 1,6 millions de spectateurs… Le public n’a pas suivi et c’est aussi un vrai avertissement…
Roselyne Bachelot n’a pas peur d’enfoncer le clou : «cette cérémonie n’a pas été utile au cinéma français. Ce qui m’a frappé, c’est que finalement, le côté meeting politique de cette affaire a nui à l’image du cinéma français, alors qu’il est massivement aidé ».
Roselyne Bachelot qui était apparue en début de soirée à l’Olympia et qui avait répondu aux questions de l’équipe de Canal + n’était pas restée dans la salle, préférant sans doute ne pas affronter les sifflements ou diverses interpellations redoutés. Cette absence a été commentée par Annie Duperey : »Roselyne Bachelot s’est tirée courageusement avant la cérémonie (…) Je crois que cette pauvre femme ne peut rien faire. J’en ai vraiment marre ! Je ne sais pas ce que j’aurais fait si j’étais à sa place. Je ne pense pas qu’elle aura le courage de donner sa démission.»
Corinne Masiero – l’héroïne de Capitaine Marleau– qui a terminé nue sur scène – là encore, un choix très controversé- n’a pas apprécié également « la fuite » de la ministre : « Ce qui est dommage, c’est qu’elle aurait pu venir me le dire, parce qu’elle était dans la salle au début, semble-t-il, et elle s’est barrée. Donc, si elle a des choses à dire, elle les dit en face, déjà. Ce qui est dommage, c’est qu’elle aurait pu venir me le dire, parce qu’elle était dans la salle au début et elle s’est barrée. Donc, si elle a des choses à dire, elle les dit en face, déjà. Les paroles on s’en fout, moi je m’en fous complètement. Maintenant ce sont des actes qu’on attend. Qu’est-ce qu’elle a proposé comme actes ? »
Et de préciser cinq jours après la cérémonie : « Qu’une meuf de mon âge se foute à oilpé, sans être rafistolée, avec les miches qui tombent et puis la cellulite et le ventre comme ça et les seins qui font comme ça, pas épilée, rien du tout… Ils se disent « oh mon dieu ! » qu’est-ce que c’est que ça ! […] Ça révèle beaucoup de choses. On est bien dans une société patriarcale et sexiste ».
Roseleyne Bachelot n’a pas apprécié les commentaires de la maîtresse de cérémonie, Marina Foïs – très critiquée pour sa prestation- qui après lui avoir rappelé son passé de pharmacienne a eu ses mots : « Comme ça tue surtout les vieux, on a enfermé les jeunes et fermé les cinémas, les théâtres, les musées et interdit les concerts pour ouvrir les églises, car on est un pays laïc Soyons justes, le gouvernement n’a pas rien fait, il y a des aides et la ministre non plus n’a pas rien fait. Madame Bachelot vous sortez un livre, ‘Ma vie en rose’, vendu sur Amazon, 18 euros, dans lequel vous donnez votre recette de pâtes au gorgonzola. Vous avez vraiment les petits trucs pour trouver un réconfort pour traverser les crises, c’est réconfortant le gorgonzola merci pour ça. Mais chez Laurent Delahousse, vous dites : ‘Le gorgonzola, ça se râpe très bien’, et là je vous perds madame la ministre. Je perds confiance en vous parce que le parmesan oui, le gorgonzola non, ça ne se râpe pas le gorgonzola ».
Et Marina Foïs de conclure : «Alors que faire quand on n’a plus confiance en son ministre de tutelle, à l’heure où se joue l’avenir du cinéma et de l’exception culturelle française ? »
Drôle d’ambiance…
Gérard Jugnot : » ce n’est pas ça qui va donner envie aux gens de retourner au cinéma…
Et si le cinéma dans son ensemble se remettait à nous faire rêver ? Gérard Jugnot qui est monté sur scène avec ses camarades du Splendid pour recevoir un César d’honneur résume tout haut ce que beaucoup pensent après cette piètre cérémonie : «Ce n’est pas ça qui va donner envie aux gens de retourner au cinéma. La soirée aurait pu être militante et politique avec un peu de légèreté et d’humour. C’est vrai qu’on souffre mais nous ne sommes pas les seuls. Il ne faudrait pas faire croire aux gens qu’il n’y a que les artistes qui souffrent dans cette période.»
Enfin un peu de bon sens…
Depuis les langues n’ont cessé de se délier… Anny Duperey : « On démarre une cérémonie, ça s’appelle une cé-ré-mo-nie, qui valorise un métier, qui fait rêver des gens, en principe, et on commence par une merde. Il faut être un peu plus grand que ça, quand même… »
Thierry Lhermitte déplore, avec humour, que de nombreuses revendications n’aient pas été mises en avant puisqu’elles ont constitué l’essentielle de la soirée… » Je regrette qu’on n’ait pas abordé les Rohingyas, le Yémen, La Syrie, les élections américaines avec l’invasion du Capitole, Nalvany, l’endométriose – pas un mot ! –, le bien-être animal, la chasse à courre, rien du tout ! » Et de poursuivre sa litanie. « L’Arménie, la stigmatisation des anorexiques dans le milieu du sumo japonais, la grossophobie dans le milieu des jockeys, c’est horrible ! Le remboursement des soins dentaires, l’excision et les Gafam… »
Le Premier ministre Jean Castex a lui aussi tenu à réagir et à partager le point de vue de Roselyne Bachelot : « Il me semble qu’il y a eu des cérémonies peut-être de meilleure tenue. Le fait que les acteurs de la culture soient désespérés par cette situation, par le fait qu’ils ne puissent plus exercer, finalement, s’explique. Mais je tiens à leur rappeler à rappeler toutes les mesures que nous avons adoptées pour eux. 7,4 milliards d’euros. Nous avons débloqué 7,4 milliards d’euros. On a fait un plan de relance, 2 milliards d’euros, là où l’Espagne mettra 800 millions dans la culture. Je ne suis pas là pour chercher la reconnaissance. Je suis là pour que la culture française et les acteurs culturels passent ce cap difficile, et qu’ils comprennent que la nation à travers nous fait tout pour eux, parce que la culture c’est important, parce qu’ils ont envie de travailler et parce que nos concitoyens ont besoin, soif, de culture”.
L’ancien ministre de la Culture – et membre du comité éditorial de La Revue pour l’Intelligence du Monde » s’est senti « figé et horrifié« , comme il l’a confié au Figaro : » Ces gens qui, tout à coup, crachent sur le cinéma, alors qu’ils sont soutenus d’une manière extraordinaire, et qui accumulent à la fois les vulgarités et le populisme démagogique, c’est monstrueux. Le « bachelotbashing », c’est insupportable ! Cette femme se donne un mal de chien pour essayer de défendre la culture. (…) Il y a une sorte de facilité, dans notre pays, alimentée par une hargne incroyable, pour attaquer des gens qui sont en première ligne».
Le constat désabusé de Josée Dayan, la réalisatrice de Capitaine Marleau, fait, lui aussi, froid dans le dos : « Moi qui aime le cinéma, quand on voit cette cérémonie, on se demande si on aime encore le cinéma ».
Le 12 mars dernier, le cinéma français a vraiment raté une occasion de nous faire rêver de nouveau. Il valait vraiment mieux regarder une bonne série ! Signe des temps ?
N.P
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