C’était un rapport très attendu demandé par Emmanuel Macron pour déterminer l’éventuelle responsabilité de la France dans le génocide au Rwanda qui avait au moins 800.000 morts selon l’ONU entre avril et juillet 1994.
Il a été remis hier, vendredi 26 mars. Il en ressort que la France est demeurée « aveugle face à la préparation« , néanmoins le rapport est formel : rien ne peut montrer que Paris « s’est rendu coupable » du génocide.
Emmanuel Macron a aussitôt commenté : « ce rapport est une avancée considérable dans la compréhension et la qualification de l’engagement de la France au Rwanda, j’espère désormais que, cette fois, la démarche de rapprochement pourra être engagée de manière irréversible. »
Le gouvernement rwandais prépare également un rapport, qui tirerait sensiblement les mêmes conclusions.
Les réactions sont nombreuses :
- Hubert Védrine – secrétaire général de l’Elysée au moment du génocide rwandais de 1994 : » Je salue l’honnêteté du rapport. Je déplore, toutefois les critiques très nombreuses et sévères du rapport, visant notamment l’ancien président socialiste François Mitterrand, qui ne tiennent aucun compte du fait que la France n’a fait que réagir à partir de 1990 à l’attaque du FPR » tutsi. (…) Mais le plus important, c’est que le rapport écarte toute complicité de la France »
- Vincent Duclert, président de la commission Rwanda, qui a remis, vendredi 26 mars, son rapport final à Emmanuel Macron a confié au Monde : « Je souhaite saluer Emmanuel Macron d’avoir voulu cette enquête de vérité et d’avoir garanti notre pleine indépendance. Les autorités le doivent aux Français car elles ont agi au nom de la France. (…)elle a été incapable intellectuellement, cognitivement, de penser la préparation du génocide. Puis quand celui-ci éclate dans sa phase paroxysmique, en mai-juin 1994, les analyses réalisées par les diplomates et certains politiques des événements sur place s’en tiennent à des massacres interethniques.Le fait d’avoir été incapable de penser est terrible. La question est de savoir si l’on peut être complice de quelque chose dont on ne comprend absolument pas l’aboutissement. Ce n’est peut-être pas à nous de répondre. Nous avons préféré chercher à connaître et à comprendre la faillite d’une histoire française au Rwanda, où les stigmates de la colonisation ont pris le pas sur la France démocratique.»
- Pour Raphaël Raphaël Glucksmann, il s’agit du pire scandale de la 5è République. Il s’en est expliqué lors d’une interview accordée à l’AFP : « Petit à petit, la vérité va s’imposer et c’est un moment important pour la France : une nation se grandit à éclairer les zones les plus sombres de son histoire On a tellement lié notre destin à ce régime rwandais que tous les signaux, y compris des renseignements extérieurs, ont été ignorés, et l’existence une fois établie du génocide n’a pas été une priorité pour la France ».
- Très attendue la réaction de Bernard Kouchner qui est à charge contre le pouvoir français en place alors : «J’ai appelé deux fois le président François Mitterrand pour le prévenir : Il m’a écouté et m’a dit : « vous exagérez. » Plus tard, lors d’un échange avec le président Mitterrand, « je lui ai demandé : « pourquoi avez-vous protégé le président Juvénal Habyarimana ? » Il m’a répondu : « pourquoi voulez-vous que je le protège, qu’il ne l’avait rencontré que deux fois, qu’il ne le connaissait pas ». Le rapport souligne pourtant leur « proximité ». « Les gens de l’Élysée », « le général Quesnot » (chef d’état-major particulier), le « général Huchon » (alors colonel et adjoint du général Quesnot) ou « Hubert Védrine », alors secrétaire général de l’Élysée, ont fait preuve d’une « cécité absolue. La vérité n’était pas recherchée une seconde, les décideurs français, prisonniers d’une lutte d’influence avec leurs concurrents occidentaux, prenaient Paul Kagame pour un valet des Américains. Savoir ce qu’il se passait, c’était facile. L’aveuglement décrit dans le rapport est un bon mot. Le pouvoir français, avait tous les moyens de se renseigner sur ce qu’il se passait. Ils ne l’ont pas fait »
- Le ministère rwandais des Affaires étrangères dans un communiqué a indiqué que « le gouvernement rwandais s’est félicité du rapport de la commission Duclert, qui représente un pas important vers une compréhension commune du rôle de la France dans le génocide contre les Tutsis. Un rapport d’enquête commandé par le gouvernement rwandais en 2017 sera publié dans les semaines à venir, dont les conclusions compléteront et enrichiront celles de la commission Duclert »
A lire : Secrets d’histoire : Rwanda, ce qu’on sait exactement du génocide
A suivre donc..
Soyez le premier à commenter