Le Premier ministre tunisien Youssef Chahed a nommé 13 ministres et 5 secrétaires d’état dans le nouveau gouvernement tunisien et a obtenu dans la nuit de lundi à mardi la confiance de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP). L’objectif est de renouveler l’exécutif et d’insuffler une nouvelle dynamique. La prochaine étape sera sans nul doute riche en rebondissements …
Le chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed a réussi, tard dans la soirée de lundi 12 novembre 2018, à obtenir le vote de confiance des parlementaires pour les nouveaux membres de son équipe. Le 5 novembre, il avait, en effet, annoncé un remaniement en profondeur qui a touché 13 ministres et 5 secrétaires d’état. Après une longue journée marquée par des tensions et le retrait du groupe parlementaire du parti présidentiel, Nidaa Tounes qui a boycotté la séance, et au cours de laquelle le gouvernement a été soumis à une salve de critiques, parfois acerbes et virulentes, tous les membres ont réussi à avoir plus que la majorité absolue exigée et qui est de 109 voix sur 2017. Avec une moyenne de 130 sur les 160 votants. Comptant sur le soutien du mouvement Ennahdha avec 68 députés mais aussi sur le bloc de la coalition nationale (40 membres) qui lui est complètement acquis et du parti le Projet de Tunisie qui a intégré le gouvernement, le jeune chef du gouvernement n’était pas du tout inquiet quant à l’issue du vote. D’ailleurs, il n’a pas manqué de lancer des piques mordantes à son désormais ancien parti dont « les tirs étaient plus forts que ceux de l’opposition ». Il a reconnu que son gouvernement « a travaillé dans un climat de forte pression », ce qui a perturbé son action et créé « une situation ambigüe, faisant régner un climat malsain pour la démocratie ».
René Trabelsi accuse et récuse
Très attendu au parlement où il a mis les pieds pour la première fois, le nouveau ministre du tourisme, René Trabelsi, s’en est sorti avec 127 voix, plus même que la majorité absolue. Mais il n’a pas été épargné par certains députés qui lui ont reproché son allégeance présumée à l’Etat d’Israël l’accusant même de pro sionisme. La veille du vote de confiance, une centaine de manifestants représentant des associations de la société civile et plusieurs partis politiques, ont appelé les parlementaires à ne pas approuver la nomination de ce juif tunisien en raison de « ses positions pro sionistes ». Cette nomination s’inscrit dans le cadre « d’une campagne menée par certains pays arabes pour la normalisation avec Israël et pour faire de Jérusalem son capitale, d’une part, et pour répondre à la résistance syrienne contre les projets américano-sionistes, d’autre part », selon le président la Ligue Tunisienne pour la Tolérance. Le jeune député, Yassine Ayari, qui vit entre la France et l’Allemagne, est même allé plus loin en accusant le chef du gouvernement de « normalisation avec l’entité sioniste », l’invitant à « remplacer l’étoile rouge à cinq branches du drapeau tunisien par celle de David » !
Bien préparé pour ce genre d’exercice, René Trabselsi a anticipé en rejetant ces accusations infondées. Dans une tribune publiée dans un journal électronique, Business News, sous le titre fort évocateur « J’accuse », il s’est dit honoré par cette nomination. Il a accusé « réception des récriminations fondées sur sa judéité » et sur son « statut d’expatrié et de binational, tuniso-français ». Mais c’est ce « formidable élan » de solidarité avec lui et ce soutien du chef du gouvernement, de la plupart des élus et des Tunisiens qui le réconforte. S’il a « accepté ce poste » c’est parce qu’il a « une vision pour le tourisme tunisien ».
Et maintenant !
Mais au-delà de cette polémique qui a accompagné la nomination de René Trabelsi, le chef du gouvernement a franchi un nouveau palier dans la rupture avec son ancien parti mis en minorité. Tout en louant le sens d’état du président la république Béji Caid Essebsi, comme pour atténuer sa colère, le divorce avec Nidaa Tounes est consommé et il pense déjà aux prochaines échéances de 2019. Ses proches le présentent comme une figure politique qui pourrait canaliser les passions et éclairer par son dynamisme le cap et rompre avec les structures partisanes actuelles. L’idée de créer un grand mouvement au centre naguère préempté par Nidaa Tounes, se précise de jour en jour. La prochaine étape sera riche en rebondissements dans une scène politique marquée par l’inconstance et l’embrouillamini.
Brahim Oueslati.
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