Un constat qui sonne comme un échec de la politique générale d’un pays qui a misé sur l’éducation et a fait de l’école un véritable ascenseur social. Bourguiba qui avait fait de l’éducation une priorité nationale doit se retourner dans sa tombe.
Un chiffre annoncé tout dernièrement par le ministre tunisien des affaires sociales, Mohamed Trabelsi fait froid au dos. Le taux d’analphabétisme se situe autour de 19,1%. Il n’a pas baissé, mais bien au contraire il a augmenté d’un point en sept ans, puisqu’il était de 18% en 2010. Ainsi, 60 ans après l’indépendance, près d’un Tunisien sur cinq est analphabète. Un constat qui sonne comme un échec de la politique générale d’un pays qui a misé sur l’éducation et a fait de l’école un véritable ascenseur social. Pis, ce taux cache mal une différence entre hommes et femmes, 12,8% contre 25,6%. Il est beaucoup plus élevé chez les femmes rurales, 41%, et il est estimé à 53% dans le secteur de l’agriculture et de la pêche. Avec des disparités criardes entre les régions. A Kairouan, une région de l’intérieur et à seulement 160 kilomètres de Tunis, le taux est quatre fois supérieur à celui de la capitale : 35% contre 11%.
Toujours selon le ministre, cette régression vers l’analphabétisme est due essentiellement à l’abandon et au décrochage scolaire. Bon an mal an, quelque 100 mille enfants quittent l’école sans aucun diplôme ni aucune qualification, dont beaucoup sont en bas âge.
Pourtant, les résultats obtenus au cours des premières années d’indépendance sont édifiants. « Les disparités régionales et du genre en termes de demande d’éducation sont presque éliminées, l’analphabétisation éradiquée pour la tranche d’âge 10-14 ans et l’universalité de l’éducation au premier cycle est atteinte », avec une couverture totale de la population en âge d’être scolarisée, un taux brut de scolarisation de 100% et près de 7% du PIB consacré à l’éducation. L’enseignement, gratuit et obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans, devait permettre, notamment, de diminuer les taux d’abandon et de déperditions. Et même si ce taux a sensiblement baissé au niveau de l’enseignement primaire, passant de 7% au cours des années 1980 à 1% seulement à partir de 2010-2011, pour les enfants du primaire, il n’en demeure pas moins préoccupant puisqu’il touche la catégorie d’âge la plus vulnérable qui pourrait facilement basculer dans l’illettrisme.
Stratégie d’alphabétisation
Avec l’appui de l’UNESCO, la Tunisie a mis en place une « stratégie d’alphabétisation, de l’enseignement des adultes et l’enseignement non formelle ». Cette stratégie ambitionne, selon le ministère des affaires sociales « d’alphabétiser 385 000 adultes » en dix ans, 2017-2026, et de « faire baisser significativement le nombre d’analphabètes et leur proportion dans la population ». Avec pour objectif diminuer le taux actuel de 1% par an et diviser par deux le nombre d’analphabètes qui se situe actuellement autour de 1 718 000, selon le recensement général de la population effectué par l’Institut national des statistiques en 2014.
Pour obtenir ce résultat, la stratégie « a défini un objectif d’accroissement progressif pour atteindre 150 000 apprenants par an à partir de 2024 et produire un plein effet sur la dernière partie du plan ».
Pour concrétiser cette stratégie, la Tunisie va mobiliser les fonds nécessaires avec des efforts supplémentaires de l’Etat et l’apport du secteur privé et de la société civile. Car, selon le ministre Mohamed Trabelsi, «l’analphabétisme est à présent un grand problème national et tout le monde doit contribuer à en réduire la gravité».
La mise en œuvre de la stratégie va engendrer un coût global de 317 millions de dinars tunisiens
(1 euro = 3,2 dinars) sur la décennie 2017-2026, dont les deux tiers seront à la charge de l’Etat.
Bourguiba qui avait fait de l’éducation une priorité nationale doit se retourner dans sa tombe.
Brahim Oueslati
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