Tout a commencé par un zapping radio sur l’autoroute A6. Soudain c’est le coup de cœur, la musique est à la fois puissante, enivrante et si merveilleusement mélancolique, que c’est un moment parfait, un moment suspendu…
Un mardi du mois d’août. Retour sur Paris après une escapade à la campagne. La chaleur est étouffante et la climatisation est inefficace à cette température. Mais la voie sur l’autoroute A6 semble dégagée. Je le croyais. A 15 kilomètres de Paris, soudain, il faut ralentir. Ça bouchonne. Parechoc contre parechoc avant de devoir s’arrêter complètement. La radio rabâche ses informations aoutiennes : Benalla, Brégançon et sa piscine, Macron. Stop ! Je change de canal. De l’air ou plutôt de la musique. France musique justement. C’est la fin d’un concerto que je n’apprécie pas trop.
Soudain, dans la voiture arrêtée, une longue note sur violoncelle, lente, majestueuse. Je ne reconnais pas tout de suite un des plus beaux morceaux du répertoire, les Suites pour violoncelle seul de J S Bach. C’est une des musiques que je préfère. Quel grand violoncelliste ne l’a pas enregistré ? Exercice de virtuosité sublime et impossible disent les violoncellistes. Mais là, il ne s’agit plus de virtuosité mais d’émotion pure. L’amie qui m’accompagne sort son mouchoir.
Je n’avais jamais entendu ces Suites ainsi, avec ce tempo lent, comme une déchirure, un long sanglot. Le présentateur de l’émission Frédéric Lodeon, commente : cette deuxième suite, Jean Sébastien l’écrivit après la mort de sa première et jeune femme. Une musique de deuil peut-être, mais surmonté. Mort, où est ta victoire ?
Le violoncelliste ? Yo Yo Ma, un des musiciens les plus sensibles. Il avait déjà enregistré ces Suites, non pas une mais deux fois. Toujours insatisfait, sans doute, puisque voilà un troisième enregistrement. A-t-il percé le secret de cette musique qui interpelle les mélomanes depuis des siècles ? Peut-être, à l’écouter.
Il fait soudain moins chaud dans la voiture arrêtée. Le miracle a duré 2 ou 3 minutes. Cela suffit pour embellir une journée.
Quelques jours plus tard, dans ma boite aux lettres, une enveloppe un peu épaisse. Je l’ouvre : le disque de Yo Yo Ma. Un geste de l’amie. Je l’écoute en boucle. Mon écriture en devient plus fluide. L’infinie générosité d’une musique pareille !
« Yo Yo Ma Six evolutions Sony classical 2CD »
Gérard Haddad.
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