Une utopie américaine.

C’est un très étrange roman que l’éditeur Rue de l’échiquier a exhumé au début de ce mois d’octobre. Etrange d’abord parce qu’Ecotopia, une œuvre de l’écrivain américain Ernest Callenbach, a été écrit et publié en 1975.

Le livre avait alors connu un réel succès (un million d’exemplaires vendus), avait été traduit dans de nombreuses langues, et a été étudié par plusieurs générations d’écoliers. Et puis il est progressivement tombé dans l’oubli.

Ernest Callenbach, lui, est mort en 2012. Fin de l’histoire ? Pas du tout : en 2018, Ecotopia ressort en français et, pour justifier ce retour en grâce, le traducteur, Brice Matthieussent, n’y va pas de main morte. « Ce roman prophétique publié il y a plus de quarante ans, écrit-il dans sa préface, est d’une activité brûlante. » Il est vrai que le sujet du livre semble étonnamment actuel. Ecotopia se présente en effet comme le journal d’un reporter du New York Times, Will Weston, en visite dans une nouvelle nation – Ecotopia – née de la sécession des trois grands Etats de l’Ouest américain : Californie, Oregon et Washington. Dégoûtés par l’american way of life et ses excès, ces territoires ont décidé de se séparer du reste des Etats-Unis pour bâtir un monde respectueux de l’environnement, pacifiste, totalement égalitariste, non sexiste, non raciste…

On retrouve évidemment une bonne partie des utopies des années 1970 et de la mouvance hippie, mais les règles de vie des Ecotopiens renvoient aussi très directement à certaines préoccupations actuelles, de #MeToo à Black Lives Matter. Et c’est à la découverte de ce monde que nous convie Will Weston, observateur d’abord méfiant et très sceptique puis, bien sûr, de plus en plus séduit.

A la lecture, on oscille entre exaltation et déception. Callenbach est, sur certains points, étonnamment visionnaire, sa communauté d’écolos décroissants et égalitaristes surprend, amuse, enthousiasme parfois. Même si l’on se doute dès le départ que le journaliste va, finalement, être converti, le processus n’est ni linéaire ni caricatural, et les défauts – car il y en a – de la société écotopienne ne sont pas gommés. Voilà pour l’aspect exaltant. Par ailleurs, on est aussi très agacé lorsque, par moments, le récit patauge un peu, se noie dans des anecdotes personnelles supposément édifiantes mais qui, finalement, n’apportent pas grand chose. A trop vouloir raconter son histoire par le petit bout de la lorgnette, l’auteur s’y perd parfois et affadit le propos. Et on se prend à imaginer ce qu’aurait pu être Ecotopia s’il avait été encore mieux écrit, encore mieux construit. Malgré ces réserves, le livre reste toutefois très recommandable. Surtout alors que la Californie est ravagée par les incendies et que Donald Trump accuse les « bobos de la côte ouest » d’avoir inventé le concept de réchauffement climatique pour vendre des voitures électriques et des panneaux solaires.

Olivier Marbot.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*