Le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed Ben Salmane (MBS) est attendu aujourd’hui, mardi 27 novembre, en Tunisie pour un voyage officiel. Les réactions sont nombreuses en Tunisie contre cette visite de l’héritier du trône saoudien qualifié de « véritable danger pour la paix et la sécurité dans le monde ».
Le prince héritier d’Arabie Saoudite Mohamed Ben Salmane entreprend ce mardi 27 novembre une visite de quelques heures en Tunisie sur invitation du président Béji Caid Essebsi. Cette visite intervient dans le cadre d’une tournée qu’il effectue sur « instructions » de son père le Roi Salmane Ben Abdelaziz « afin de renforcer les relations aux niveaux régional et international et en réponse à des invitations reçues de la part des chefs d’Etat », a indiqué un communiqué du palais royal. Elle doit le guider dans six pays arabes qui sont, outre la Tunisie, les Emirats Arabes Unis, l’Egypte, l’Algérie, le Bahrein et la Mauritanie. Des pays qui ont soutenu Riad après le meurtre du journaliste Jamal Kashoggi.
Depuis l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi dans les locaux du consulat saoudien d’Istanbul, le prince héritier du trône saoudien est pointé du doigt comme étant le commanditaire de ce crime sordide.
Réactions hostiles.
Aussitôt annoncée, cette visite a suscité des réactions pour la plupart hostiles. La société civile s’est mobilisée pour appeler à ne pas recevoir « l’homme à la scie » en allusion à l’outil qui aurait été utilisé pour dépecer le corps du journaliste. Le Syndicat national des journalistes tunisiens s’est fendu d’une lettre ouverte au chef de l’Etat pour exprimer son rejet de cette visite qualifiée de « provocante ». « Mohamed Ben Salmane est un véritable danger pour la paix et la sécurité dans le monde. Il est l’ennemi de la liberté d’expression ». Il a organisé lundi 26 novembre 2018 un rassemblement pour s’opposer à cette visite. Une cinquantaine d’avocats ont engagé un recours en justice, mais qui risque de rester sans suite.
De son côté, le chef de l’opposition Hamma Hammami porte-parole du Front populaire, formation de gauche, a fustigé la visite du « bourreau du peuple yéménite », craignant d’entrainer le pays dans la politique des axes
Quant au mouvement Ennahdha, déjà positionnée dans l’axe Qatar-Turquie, il n’a pas officiellement réagi à cette visite, mais certains de ses dirigeants n’ont pas caché leur crainte de son exploitation par le président de la république pour nourrir d’inavoués desseins . Le deal avec Béji Caid Essebsi a vécu et depuis le mouvement islamiste est sur des gardes, redoutant des coups tordus. Mohammed Ben Salmane a, depuis sa désignation comme l’héritier du trône, développé un discours contre la confrérie des frères musulmans, dont Ennahdha est réputé proche, et l’a même épinglée dans la listes des organisations terroristes.
La Tunisie avait condamné l’assassinat de Jamal Khashoggi et réclamé la vérité sur les circonstances de ce crime ignoble. Mais elle a appelé à ménager l’Arabie Saoudite pour ne pas « porter atteinte à sa stabilité ». Riad a toujours entretenu des relations solides avec Tunis, depuis l’époque du premier président Habib Bourguiba. Son successeur Ben Ali a trouvé refuge chez les Saoudiens après la chute de son régime en janvier 2011.
Pas les mains vides.
MBS n’arrive pas en Tunisie les mains vides. Sa visite devrait être couronnée par la signature d’un accord comprenant notamment un dépôt de deux milliards de dollars dans la Banque centrale tunisienne, une assistance à l’armée de l’air sous la forme d’un don d’avions de combat et d’hélicoptères.
Le prince héritier va prôner l’intensification des investissements en Tunisie qui s’enfonce dans une crise économique profonde. Riad cherche à supplanter Doha qui a réussi à s’implanter en Tunisie depuis l’avènement d’Ennahdha en Tunisie. Qatar avait coparrainé avec la France la conférence internationale sur l’investissement organisé, il y a deux ans, à Tunis. En janvier dernier une délégation d’hommes d’affaires saoudiens étaient venus en Tunisie pour prospecter de nouveaux marchés. Avec le soutien de leur gouvernement, ils ambitionnaient d’ouvrir « une nouvelle page de l’investissement dans ce pays». L’Arabie Saoudite est l’un des gros investisseurs arabes en Tunisie, avec près de 38 entreprises dont l’investissement global s’élève à plus de 300 millions d’euros, générant quelque 10.000 postes d’emploi directs. Elle est considérée comme un partenaire stratégique.
Pour tenter d’atténuer la polémique, La présidence de la république a réagi par la voix du conseiller Noureddine Ben Ticha qui a déclaré que « la diplomatie ne se régit pas par les émotions ».
Brahim Oueslati.
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