L’affaire Urvoas-Solère pose la question de l’indépendance de la justice et des liens, à développer ou à restreindre, avec l’exécutif.
L’un était ministre de la Justice de François Hollande, l’autre venait d’organiser les élections primaires au sein de l’UMP. Je ne sais pas du tout pourquoi le premier, Jean-Jacques Urvoas, a jugé bon de transmettre au second, Thierry Solère, des informations précises, par voie cryptée, sur l’instruction judiciaire en cours concernant ce dernier.
Je n’en sais rien et au fond cela m’importe peu. La justice jugera la licéité des faits.
Beaucoup plus intéressante est la question : pourquoi la justice a-t-elle transmis des informations sur une instruction en cours au ministre de la Justice ? La séparation des pouvoirs chère à Montesquieu devrait l’interdire. Le ministre de la Justice n’est pas le chef des juges, mais curieusement, en France, patrie de Montesquieu, il est le chef du « parquet », c’est-à-dire des procureurs : magistrats qui instruisent et requièrent.
Alors quand le ministre-garde des Sceaux leur pose une question, ils répondent. Toujours ? Non. Depuis 2014, Christiane Taubira – bête noire de la droite française – a fait voter une loi interdisant purement et simplement toute instruction ministérielle dans les dossiers judiciaires individuels en cours. Elle avait prévu toutefois le maintien de l’information du ministre pour toute affaire troublant l’ordre public, mettant en cause une personnalité ou étant médiatisée.
Son successeur, Jean-Jacques Urvoas, professeur de droit, avait d’ailleurs décidé de respecter les mêmes règles que les siennes. Et, dans ce contexte il était prévisible qu’il demande des informations concernant une « personnalité » comme Thierry Solère dans une affaire particulièrement « médiatisée ». Mais, quel a été l’intérêt pour la France de cette entorse au principe de la séparation des pouvoirs ? Même en faisant des efforts d’imagination je n’en vois guère.
Le candidat Macron de l’époque a peut-être reçu ces informations mais pour décider des responsabilités à confier à Solère, il lui suffisait de s’adresser à ce dernier et de lui demander la preuve de la fausseté des allégations du Canard Enchaîné. En l’occurrence le principe de Montesquieu a été violé pour rien.
L’exception du terrorisme
En revanche, lorsque les juges découvrent une affaire faisant apparaître un risque d’attentat terroriste, il faut à l’évidence que les forces de l’ordre soient prévenues pour prévenir l’acte criminel. Je suis même prêt à reconnaître que, parfois, des mises en cause médiatiques à partir de « fake news » doivent être arrêtées alors qu’en pleine instruction les autorités judiciaires ne peuvent prendre position.
Alors faut-il amender la règle « Taubira » ? Faut-il par la loi interdire toute communication entre le judiciaire et l’exécutif ? Malgré mon respect pour Locke et Montesquieu je ne le crois pas. Je n’ai qu’une proposition marginale à faire. Je ne vois pas pourquoi ce serait le garde des Sceaux, ministre de la Justice, qui devrait, plus qu’un autre, savoir qu’un attentat se prépare ou qu’une personnalité politique est victime de fausses nouvelles.
Le président de la République élu au suffrage universel me parait le mieux désigné pour recevoir ces informations et pour les utiliser au mieux avec les seuls ministres concernés.
Que le ministre de la Justice garde les Sceaux, c’est très bien. Cela ne lui donne pas de droit particulier à recevoir et à garder des informations violant la règle de séparation des pouvoirs judiciaire et exécutif.
Etienne Copel
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