Dans l’Orient compliqué décrit par le général de Gaulle, le Yémen ne fait vraiment pas exception. Même en bénéficiant de l’aide bienveillante de Wikipedia, il est difficile de se faire une opinion claire sur le régime qui conviendrait le mieux -ou le moins mal- à ce malheureux pays.
La première tentation serait de vouloir séparer les combattants en revenant à une séparation entre le Yémen du Nord et celui du Sud. Après tout, quand la monarchie chiite (zaïdite) a été abolie à Sanaa, l’arrivée au pouvoir d’Ali Abdallah Saleh, en 1962, a ouvert une belle période de paix et de prospérité dans toute la partie nord du pays. Celle qui hélas souffre le plus aujourd’hui. Au sud, le régime marxiste faisant suite à la colonisation britannique ayant multiplié les échecs économiques et peiné à se faire adopter par les populations musulmanes a été conduit, en 1990, à se rapprocher du Yémen du Nord puis à fusionner sous la direction du président Saleh. Mais la lune de miel ne dura guère. Dès 1994, des dirigeants sud-yéménites soutenus par l’Arabie Saoudite proclamèrent la sécession du Sud-Yémen. Après plusieurs mois de combats et près de 10 000 morts, ils furent écrasés. Le Yémen réunifié ne connut pas longtemps la paix, le président Ali Saleh, malgré une élection triomphale en 1999 et une stature internationale reconnue, ne réussit pas longtemps à éviter des révoltes, fréquentes, aux motivations variées. La fusion des deux Yémen n’apporte manifestement pas de bonne solution.
En 2011, les monarchies du Golfe poussent le président Saleh à démissionner. Mais son successeur Abdrabbo Mansour Hadi peut encore moins apporter le calme. Face à la coalition des Houthis chiites et des forces restées fidèles à l’ex-président Saleh, il ne peut faire face et doit se réfugier à Aden, capitale du Sud Yémen. Les Houthis s’installent au pouvoir à Sanaa au nord. Mais entre les Houthis chiites et l’ex-président Saleh sunnite les dissensions conduisent à de nouveaux combats. Cette fois entre hommes du Nord. Le président Saleh est assassiné au cours d’un de ces combats. La guerre civile reprend. Il devient tristement clair que séparer à nouveau les deux Yémen ne peut suffire à résoudre toutes les tensions. Au mieux on ne peut que les atténuer. Il n’y a pas de solution politique miracle. On ne peut que chercher à diminuer l’horreur.
Actuellement, ce sont essentiellement des brigades sudistes qui se lancent à l’assaut du port d’HodeÏda tenu par les Houthis. Ce port est presque le seul point de ravitaillement pour les populations du Nord où convergent les aides humanitaires … tout comme les armes des Iraniens chiites alliès des Houthis. Ces brigades ont à leur tête le général Tarek Saleh, neveu de l’ancien président Ali Saleh, et sont soutenues financièrement par l’Arabie Saoudite et les Emirats. Militairement le soutien est essentiellement aérien. Ce sont les avions saoudiens qui bombardent les positions Houthies et permettent aux forces dites loyalistes de progresser vers le Nord.
Nouveauté : depuis quelques jours les avions saoudiens ne se manifestent presque plus dans le ciel yéménite. Les Américains ne fournissent plus les avions ravitailleurs sans lesquels les chasseurs-bombardiers du roi Salmane d’Arabie ne peuvent atteindre leurs cibles au Yémen. Pourquoi ? Donald Trump devient-il brutalement sensible aux malheurs des Yéménites du Nord, qu’ils soient Houthis ou non ? Ne supporte-t-il plus, chaque jour, de voir les images de multitudes d’enfants mourant de faim? Cela paraît peu probable tant il lui semble nécessaire de satisfaire d’aussi merveilleux clients que le roi d’Arabie et son fils le prince héritier Mohamed.
Si le président des Etats-Unis a pris cette décision c’est sans doute parce que les récentes turpitudes du régime saoudien ne peuvent plus être passées sous silence.
Merci Jamal Khashoggi. Votre mort ne permettra sans doute pas de trouver une solution définitive aux problèmes du Yémen. Mais elle desserre l’étau. Elle permet d’espérer la reprise des négociations de paix, en Suède. Elle laisse entrevoir la fin de l’horreur.
Etienne Copel.
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